Référé-suspension en matière d’urbanisme : l’imprudence du pétitionnaire fait obstacle à la justification d’une urgence

Un pétitionnaire ne peut demander la suspension d’un refus de permis de construire, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA), dès lors que son imprudence l’empêche de remplir la condition tenant à l’urgence.

Dans une affaire jugée le 23 novembre 2016 par le Conseil d’État, une société voulait délocaliser son activité. Elle avait pour ce faire déposer une demande de permis de construire, mais seulement après s’être vu opposer un arrêté lui ordonnant d’interrompre des travaux commencés sans autorisation. Cette demande a fait l’objet d’un refus, que la société pétitionnaire a souhaité contester devant le juge des référés.

Le Conseil d’État rappelle en premier lieu que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. En ce qui concerne une décision de refus de permis de construire, il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. À cette fin, l’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d’un permis de construire provisoire à l’issue d’un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés.

En l’espèce, pour justifier l’urgence qui s’attachait selon elle à la suspension de refus du permis de construire, la requérante faisait valoir que, du fait de la survenue de l’incendie ayant affecté le site qu’elle occupait et voulait délocaliser, ce refus rendait impossible la poursuite de l’exploitation de l’activité de contrôle technique qui y était installée, faute de lieu d’exploitation, et que cette situation portait atteinte de manière grave et immédiate à sa situation et à celle de sa société mère.

Cependant, le Conseil d’État a considéré que la société requérante faisait état de problèmes concurrentiels et de l’installation de gens du voyage sur le site qu’elle voulait délocaliser. En outre, elle n’avait sollicité un permis de construire qu’après l’arrêté ordonnant l’interruption de travaux entrepris sans autorisation. Elle s’était donc, « par son imprudence, privée des moyens susceptibles de lui permettre de s’assurer que le nouveau local dont elle faisait l’acquisition serait propre à permettre d’y transférer l’activité de contrôle technique automobile à laquelle elle le destinait« .

En outre, la société requérante n’apportait pas d’élément de nature à attester qu’il résultait du refus une atteinte grave et immédiate à l’équilibre financier de sa maison mère.

La Haute juridiction administrative a donc estimé que la condition de l’urgence n’était pas établie.

Réf : CE 23 nov. 2016, n° 398068

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COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
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