TVA, énergie solaire et outre-mer : question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union

Le Conseil d’Etat a décidé de surseoir à statuer sur un pourvoi jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle suivante : la vente et l’installation de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires sur des immeubles ou en vue d’alimenter des immeubles en électricité ou en eau chaude constituent-elles une opération unique ayant le caractère de travaux immobiliers au sens des directives de 1977 et 2006 relatives à la TVA ?

En l’espèce, une entreprise de vente et d’installation d’équipements liés à l’énergie solaire en Martinique n’a soumis à la TVA les opérations d’installation sur le toit d’immeubles d’habitation de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires qu’à concurrence du coût des prestations d’installation.

Elle se fonde sur les dispositions de l’article 295 du code général des impôts (CGI), qui exonère de la TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion d’une part les importations de produits dont la liste est fixée par arrêtés ministériels, d’autre part les ventes des produits de fabrication locale analogues à ceux dont l’importation dans les départements susvisés est exemptée. Or, le I de l’article 50 duodecies de l’annexe IV au CGI mentionne, parmi les produits dont l’importation dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion peut avoir lieu en franchise de TVA, les « dispositifs photosensibles à semi-conducteur, y compris les cellules photovoltaïques même assemblées en modules ou constituées en panneaux ».

Parallèlement, l’article 256, IV, 1° du CGI dispose que « les travaux immobiliers sont considérés comme des prestations de services » soumises à la TVA. Aux termes de l’article 266 du même code, la base d’imposition est constituée, pour les travaux immobiliers, par le montant des marchés, mémoires ou factures. Enfin, selon l’article 268 bis de ce code, lorsqu’une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du même chapitre, son chiffre d’affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d’opérations les règles fixées par ces articles.

Dans le cadre d’un contrôle, l’administration fiscale considère que les opérations de l’entreprise avaient le caractère de travaux immobiliers et devaient, par suite, inclure le coût des équipements fournis. En conséquence, elle rectifie l’assiette imposable de ces opérations.

Les juges du fond ayant donné raison au fisc, l’entreprise s’est pourvue en cassation.

Par ailleurs, le litige a lieu en Martinique, autrement dit en-dehors du champ d’application territoriale de ces directives.

Cependant, le Conseil d’Etat précise que même si le litige qu’il doit trancher concerne des opérations réalisées en dehors de ce champ d’application, il y a lieu de poser cette question, pour trois raisons :

  • L’article 256 relatif aux travaux immobiliers s’applique aussi en France métropolitaine ;
  • Cet article assure la transposition de certaines dispositions des directives précitées ;
  • Il doit y avoir une application uniforme de ces dispositions au sein de l’Union.

 

« Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 1 que les opérations de vente et d’installation d’équipements mentionnés à l’article 295 du code général des impôts et au I de l’article 50 duodecies de l’annexe IV à ce code ne sont imposées à la taxe sur la valeur ajoutée qu’à concurrence du coût des opérations d’installation, à l’exclusion du coût d’acquisition des équipements, sauf à ce que ces opérations d’installation aient le caractère de prestations de travaux immobiliers et soient, dès lors, imposées à la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de l’ensemble du prix facturé au preneur ; que, si l’article 295 du code général des impôts ne s’applique que dans des départements d’outre-mer, soit en dehors du champ d’application territorial de la sixième directive du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires alors en vigueur, les dispositions précitées de l’article 256 relatives aux travaux immobiliers s’appliquent aussi en France métropolitaine ; qu’elles assurent la transposition en droit national de l’article 5, paragraphe 5, et de l’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive du 17 mai 1977, devenus l’article 14, paragraphe 3, et l’article 24, paragraphe 1, de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’il y a lieu de rechercher une application uniforme des dispositions de ces directives au sein de l’Union européenne ; qu’ainsi, le litige que doit trancher le Conseil d’Etat, bien qu’il concerne des opérations réalisées en dehors du champ d’application territorial de ces directives, pose la question de savoir si la vente et l’installation de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires sur des immeubles ou en vue d’alimenter des immeubles en électricité ou en eau chaude constituent une opération unique ayant le caractère de travaux immobiliers au sens de ces directives ;

Considérant que cette question, qui est déterminante pour la solution du litige, présente une difficulté sérieuse ; que, par suite, il y a lieu, en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne et, jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi présenté par la société Solar Electric Martinique »

Réf : CE 20 mai 2016, n°384395

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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