En attendant le gel des tarifs de l’électricité (CE, 12 septembre 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie)

Dans l’attente de la mise en place, très prochaine, de nouvelles modalités de tarification de l’électricité sur la base desquelles seront ensuite fixés de nouveaux tarifs, le Conseil d’Etat a estimé que l’exécution de l’arrêté du 28 juillet 2014 supprimant la prévision d’augmentation des tarifs n’avait pas à être suspendue.

Un arrêté du 26 juillet 2013 fixant les barèmes des tarifs réglementés de vente d’électricité avait prévu une augmentation, à compter du 1er août 2014, de 5 % en moyenne par période tarifaire des tarifs bleus, destinés aux clients résidentiels et petits professionnels. Cette prévision d’évolution a été supprimée par un arrêté du 28 juillet 2014.

L’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), regroupant plusieurs fournisseurs « alternatifs » d’énergie, a saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de et arrêté du 28 juillet 2014 et a, parallèlement, demandé au juge des référés du Conseil d’Etat d’en suspendre l’exécution.

Selon le juge, l’arrêté du 28 juillet 2014 n’a qu’une portée limitée et  temporaire car il a été pris afin de permettre la détermination des nouveaux tarifs, au plus tard le 31 décembre 2014, en fonction d’une nouvelle méthode de construction des tarifs sur le point d’être adoptée par décret et en tenant compte, à cette fin, des éléments de coût les plus récents que produira prochainement la Commission de régulation de l’énergie.

Le projet de décret qui modifiera le mode de calcul a été mis en consultation et sera publié en octobre. Il a déjà reçu en juillet l’avis favorable du Conseil supérieur de l’énergie et il est actuellement soumis à l’Autorité de la concurrence, à la Commission de régulation de l’énergie, et au Conseil d’État.

En outre, il n’est pas établi que cet arrêté porterait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des producteurs représentés par l’ANODE : il n’entraîne pas pour les producteurs alternatifs une dégradation de marge nette ou de rentabilité de nature à compromettre leur activité, il n’est pas susceptible d’affecter durablement la concurrence et ne porte pas une atteinte grave et immédiate à l’intérêt des consommateurs, qui devront supporter une hausse rétroactive des tarifs réglementés à la suite de l’annulation de l’arrêté. A l’inverse, la suspension de cet arrêté pourrait porter atteinte à l’intérêt des consommateurs résidentiels.

Ainsi, il n’existe pas de situation d’urgence justifiant la suspension de l’arrêté. L’une des deux conditions cumulatives prévues par l’article L. 521-1 du code de la justice administrative propres à la procédure de référé n’étant pas remplie, le juge a donc, sans se prononcer sur le sérieux des critiques formulées contre la légalité de l’arrêté attaqué, rejeté la demande de suspension.

Le Conseil d’État devra prochainement se prononcer, au fond, sur la demande d’annulation de l’arrêté.

Réf : CE 12 sept. 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n°383721

1. Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 337-4 du code de l’énergie : « Pendant une période transitoire s’achevant le 7 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d’électricité sont arrêtés par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie » ; qu’aux termes de l’article L. 337-5 du même code: « Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 337-6 : « Dans un délai s’achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d’électricité sont progressivement établis en tenant compte de l’addition du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d’électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale » ; qu’enfin, aux termes de l’article 3 du décret du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité : « La part fixe et la part proportionnelle de chaque option ou version tarifaire sont chacune l’addition d’une part correspondant à l’acheminement et d’une part correspondant à la fourniture qui sont établies de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d’approvisionnement, les coûts d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation, que supportent pour fournir leurs clients Electricité de France et les distributeurs non nationalisés (…), ainsi qu’une marge raisonnable. / La part correspondant à l’acheminement est déterminée en fonction du tarif d’utilisation des réseaux publics en vigueur applicable à l’option ou à la version concernée. La part correspondant à la
fourniture couvre les coûts de production, d’approvisionnement et de commercialisation supportés par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés pour fournir les clients ayant souscrit à cette option ou version » ;

2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, les ministres chargés de l’économie et de
l’énergie ont fixé, par arrêté du 26 juillet 2013, les barèmes des tarifs réglementés « bleu », « jaune » et « vert » de vente de l’électricité ; que l’article 6 de cet arrêté prévoyait que : « (…) Les barèmes du Tarif Bleu, tels qu’annexés, sont augmentés de 5 % en moyenne à compter du 1er août 2014. Ce niveau sera ajusté en fonction de l’évolution effective des coûts sur la période tarifaire concernée » ; que, par l’arrêté litigieux, entré en vigueur le 1er août 2014, et dont la requérante demande la suspension, les ministres ont abrogé ces dernières dispositions ;

3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait étatd’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu’il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d’un acte administratif est subordonné notamment à une condition d’urgence ; que l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ; que l’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire ;

4. Considérant que, pour justifier de l’urgence à prononcer la suspension demandée, l’association
requérante fait valoir que le « gel » des tarifs réglementés de vente de l’électricité au 1er août 2014 résultant de l’arrêté litigieux a pour effet, d’une part, de rendre négative la marge nette des opérateurs alternatifs, de dégrader leur rentabilité et de compromettre de ce fait leur maintien sur le marché de vente de l’électricité, d’autre part, de porter une atteinte grave et immédiate à l’objectif public d’ouverture à la concurrence de ce marché en renforçant la position dominante de l’opérateur historique et, enfin, de porter une atteinte grave et immédiate à l’intérêt des consommateurs, qui devront supporter une hausse rétroactive des tarifs réglementés à la suite de l’annulation de l’arrêté ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des indications fournies par l’administration dans ses écritures et rappelées lors de l’audience publique, que l’arrêté litigieux, qui se borne à supprimer la prévision de hausse moyenne au 1er août 2014 des seuls tarifs « bleus » retenue lors de l’adoption du précédent arrêté tarifaire du 26 juillet 2013, n’a pas pour objet de fixer les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour la prochaine période tarifaire mais de permettre la détermination de ces nouveaux tarifs, au plus tard le 31 décembre 2014, en fonction de la nouvelle méthode de calcul qui est sur le point d’être adoptée par décret, de l’analyse des coûts d’EDF la plus récente faite par la Commission de régulation de l’énergie, dont les résultats seront très prochainement disponibles, ainsi que du bilan au 1er octobre 2014 annoncé publiquement par la ministre chargée de l’énergie ; qu’eu égard aux motifs d’intérêt général et au caractère temporaire des effets de l’arrêté contesté, dont les éléments versés au dossier ne permettent
d’établir ni qu’il entraînerait une dégradation de marge nette et de rentabilité de nature à compromettre l’activité des opérateurs alternatifs ni qu’il serait susceptible d’affecter durablement la concurrence sur le marché de vente de l’électricité mais dont la suspension serait, en revanche, susceptible de perturber l’application des tarifs réglementés à venir aux consommateurs, plus particulièrement aux consommateurs résidentiels, et compte tenu des délais dans lesquels le Conseil d’Etat devrait statuer sur la requête au fond, l’urgence de la suspension demandée ne peut, en l’espèce, être regardée comme établie »

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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