Une illégalité administrative est toujours fautive mais la réparation pas sytématique (éternel problème du lien de causalité)

 » Vu la requête enregistrée le 12 juin 2007, présentée pour l’ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (ASPAS), représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est BP 505 à Crest Cedex (26401), par Me Delhomme, avocat au barreau de Valence ; l’ASPAS demande à la Cour :

 

1°) d’annuler le jugement n° 06-3809 du 7 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 25 740 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à la suite de la destruction illégale de 222 martres, de 373 fouines, de 175 belettes et de 88 putois ;

 

2°) de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 25 740 euros en réparation de son préjudice ;

 

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

……………………………………………………………………………………………………..

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 février 2008 :

 

– le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

 

– et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

 

 

Considérant que, par jugement du 7 juin 2005, le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté la demande de l’ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (ASPAS) tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 25 740 euros, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à la suite de la destruction de 222 martres, de 373 fouines, de 175 belettes et de 88 putois, autorisée par un arrêté du 29 novembre 2002 du préfet d’Indre-et-Loire fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le département pour l’année 2003 et par un second arrêté, du même jour, relatif aux modalités de destruction des animaux classés nuisibles ; que l’ASPAS interjette appel de ce jugement ;

 

Sur la responsabilité :

 

Considérant que par jugement du 1er juillet 2003, le Tribunal administratif d’Orléans a annulé, à la demande de l’ASPAS, l’arrêté du 29 novembre 2002 du préfet d’Indre-et-Loire fixant la liste des animaux classés nuisibles dans le département pour l’année 2003, ainsi que l’arrêté préfectoral, du même jour, relatif aux modalités de destruction de ces mêmes animaux, en tant que ces arrêtés concernent la martre, la fouine, la belette, le putois et le pigeon-ramier, au motif que le préfet a, en classant ces animaux dans la liste des espèces nuisibles, fait une inexacte appréciation de la situation locale ; que, par arrêt du 7 juin 2005, la Cour administrative d’appel a rejeté les requêtes d’appel dirigées contre ce jugement ; qu’en édictant ces deux arrêtés entachés d’illégalité, le préfet d’Indre-et-Loire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

 

Sur le préjudice :

 

Considérant que l’ASPAS peut prétendre à la réparation par l’Etat des conséquences dommageables de l’illégalité fautive entachant les arrêtés préfectoraux annulés, sous réserve de démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain en résultant pour elle ;

 

Considérant, d’une part, que si l’ASPAS invoque les dépenses matérielles qu’elle a été dans l’obligation d’engager pour promouvoir la défense des animaux sauvages, notamment, par l’élaboration de brochures et d’études scientifiques, l’organisation de stages et d’expositions, la réalisation de films et de documents vidéos, et pour le recrutement de salariés permanents en vue de conduire des actions de réhabilitation des espèces illégalement classées nuisibles, le préjudice résultant de telles dépenses ne présente pas un lien direct avec la faute commise par l’Etat et ne saurait, par suite, ouvrir droit à réparation ;

 

Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté, qu’en exécution des arrêtés préfectoraux précités dont, comme il vient d’être dit, l’annulation a été prononcée pour illégalité, il a été procédé à la destruction de 222 martres, de 373 fouines, de 175 belettes et de 88 putois ; que l’association requérante, qui a pour objet, aux termes de ses statuts, d’agir pour la protection de la faune et de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général, est, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif, fondée à demander réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte ainsi portée aux intérêts qu’elle s’est donnée mission de défendre et pour la promotion desquels elle soutient, sans être contredite, qu’elle met en oeuvre les différentes actions sus-analysées ; qu’il sera fait une juste appréciation de l’indemnité à laquelle l’association peut prétendre à ce titre, en condamnant l’Etat à lui payer une somme de 3 000 euros ; que le préjudice écologique dont l’association se prévaut également dans le dernier état de ses écritures en sa qualité d’association agréée doit être regardé comme se rattachant, dans les circonstances de l’espèce, au préjudice moral précédemment pris en compte pour l’attribution de l’indemnité accordée ;

 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASPAS est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande d’indemnisation ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner l’Etat à verser à l’ASPAS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette association et non compris dans les dépens ;

 

 

 

DÉCIDE :

 

Article 1er : Le jugement du 7 juin 2005 du Tribunal administratif d’Orléans est annulé.

Article 2 : L’Etat est condamné à verser à l’ASPAS une somme de 3 000 (trois mille euros).

Article 3 : L’Etat versera à l’ASPAS une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ASPAS est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (ASPAS) et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 

Cour Administrative d’Appel de Nantes

 

N° 07NT01586, 25 mars 2008 « 

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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