Le non-usage trentenaire d’une servitude de passage pour cause d’enclave n’entraîne pas son extinction

La Cour de cassation est venue préciser qu’une servitude pour cause d’enclave, stipulée à l’occasion d’un contrat de vente, ne peut s’éteindre du fait de ce non-usage trentenaire. L’application de l’article 706 du code civil  est écartée dans ce cas. 

L’article 706 du Code civil dispose que « la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans » toutefois il n’est aucunement mentionné une disposition similaire au chapitre relatif aux « servitudes établies par la loi ». Ainsi, le non-usage trentenaire ne vise que les servitudes de nature conventionnelle. Toutefois, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur le cas d’un non-usage pour cause d’enclave. 

En l’espèce une vente d’un terrain divisé réalisée en 1973 précisait dans l’acte de vente des servitudes de passage  au profit du vendeur.  Les servitudes étant bien conventionnelles, la difficulté est qu’« en l’état de la configuration actuelle des lieux, Mme [P] ne dispose d’aucun accès direct et suffisant pour accéder à sa parcelle » du fait de l’obstruction du chemin par les nouveaux propriétaires du fonds servant. 

La Haute juridiction a alors rejeté le pourvoi des propriétaires en déclarant que la création de la servitude de passage résulte de l’insuffisance matérielle d’accès à la voie publique, entrainant l’applicabilité du régime de la servitude légale de passage. 

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE contrairement au droit lui-même, l’assiette d’une servitude légale de passage pour cause d’enclave se perd par le non-usage trentenaire ; qu’en l’espèce, les époux [B] soutenaient que la servitude dont se prévalait Mme [P] était éteinte par non usage trentenaire ; qu’ils versaient aux débats un constat d’huissier du 14 août 2018 établissant que le passage revendiqué par Mme [E] n’était manifestement pas entretenu ni utilisé ainsi que des attestations dont il ressortait que Mme [E] n’avait jamais utilisé le chemin litigieux, même à pied, depuis plus de trente ans ; qu’en déduisant de la nature légale de la servitude de passage que celle-ci « ne saurait s’éteindre par un non usage trentenaire » et qu’elle n’était, dès lors, pas « tenue d’examiner les attestations produites à cet effet par les deux parties », quand le non-usage trentenaire pouvait entraîner la perte, sinon du droit, du moins de l’assiette de la servitude de Mme [P], la cour d’appel a violé l’article 685 du code civil.

(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 mai 2021, 20-15.705)

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