La pérennisation d’un ouvrage est susceptible de réduire l’ampleur d’une servitude de passage

La Cour de cassation a estimé, selon son arrêt n° 17-18.451, que des ouvrages implantés par le redevable, depuis plus de 30ans, sont de nature à réduire la largeur initialement convenue d’un droit de passage conventionnel.

En l’espèce, une servitude de passage de quatre mètres de large grevant une parcelle, propriété de M. et Mme Y…, au bénéfice de parcelles appartenant à M. X…, a été instituée par un acte du 27 décembre 1979. Le passage était fermé par un portail dont les deux pilastres étaient espacés de 3,05 mètres et que cette modification matérielle revenait à réduire l’ampleur de la servitude de passage de 0,95 mètres. C’est ainsi que M. X… a assigné M. et Mme Y… en remise en état du passage et démolition de piliers implantés sur son emprise.

De jure, le propriétaire d’un terrain débiteur d’une servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à le rendre plus incommode, notamment en changeant l’état des lieux (C. civ., art. 701, al. 1 et 2). Il doit par exemple s’abstenir d’édifier des ouvrages de nature à empêcher ou gêner l’exercice d’une servitude de passage conventionnellement accordée. Toute construction édifiée en violation ou en contradiction du droit d’accès peut ainsi être sanctionnée par une démolition, sur demande du propriétaire auquel profite la servitude, à condition toutefois que celui-ci ne laisse pas perdurer l’atteinte à ses prérogatives. En effet, une pérennisation d’ouvrages ayant nécessairement pour effet de restreindre l’exercice d’une servitude peut au contraire conduire à une extinction partielle du droit, pour défaut d’usage trentenaire (C. civ., art. 706). Cette hypothèse d’extinction est admise quelle qu’en soit la cause, et notamment lorsqu’un édifice fait matériellement obstacle à l’exercice de la charge (Cass. 3e civ., 26 janv. 2017, n° 15-24.190).

C’est ainsi que la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « selon un constat d’huissier de justice du 6 avril 1981, le passage était fermé par un portail en cours de construction dont les deux pilastres étaient espacés de 3,05 mètres et que cette modification matérielle rendait impossible l’exercice de la servitude dans toute son étendue contractuelle, la cour d’appel a exactement retenu que la servitude se trouvait partiellement éteinte par le non-usage pendant trente ans sur une portion de 0,95 m et que celle-ci se trouvait réduite à 3,05 mètres de large par le jeu de la prescription extinctive ».

Concrètement, les juges admettent ainsi que l’assiette d’une servitude de passage puisse être réduite par l’effet de la prescription extinctive si des piliers d’un portail d’accès, installés depuis plus de 30 ans en retrait des bords du chemin, ont rendu impossible son usage sur la largeur initialement prévue.

Le droit de passage, dans son ensemble, ne subsiste alors que sur une largeur restreinte, entièrement dictée et calquée sur celle du portail d’entrée. La servitude qui devait initialement pouvoir s’exercer sur une largeur de 4 mètres et avait été contractuellement accordée sur cette étendue, peut ainsi se retrouver amputée de près d’un mètre sur toute sa longueur.

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COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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