Régime de l’intérêt à agir des associations en matière d’urbanisme : la condition temporelle introduite par la loi ELAN est-elle conforme à la Constitution ?  

Il s’agit de la question sur laquelle le Conseil constitutionnel va être amené à se prononcer. En effet, par un arrêt du 31 janvier 2021, une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a été transmise au Conseil constitutionnel par le Conseil d’État.

Pour rappel, une QPC se définit selon le Conseil constitutionnel comme « le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Elle est soumise à trois conditions cumulatives de recevabilité rappelées dans l’arrêt du Conseil d’État. Il est nécessaire que « la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait jamais été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ».

En l’espèce, une association a introduit une action en référé suspension à l’encontre d’un permis de construire valant autorisation d’aménagement d’un établissement recevant du public délivré par le maire de la commune. Le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande au motif « que les seules mentions de ces statuts susceptibles de lui conférer un intérêt pour agir à l’encontre des décisions individuelles d’urbanisme résultaient d’une modification ayant donné lieu à dépôt en préfecture moins d’un an avant l’affichage en mairie de la demande de la société pétitionnaire« . L’association s’est alors pourvue en cassation.

Pour motiver son refus, le juge des référés s’est ainsi fondé sur l’article L. 600-1- 1 du code de l’urbanisme aux termes duquel : « une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation où l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire« .

Il est à noter que l’article L.600-1-1 dans sa version actuelle est issu de la loi ELAN du 23 novembre 2018 et est en vigueur à compter du 1er janvier 2019. En effet, dans sa version initiale par la loi ENL du 13 juillet 2006, l’article se bornait à conditionner la recevabilité du recours des associations à la preuve d’une publication de leurs statuts antérieure à l’affichage de la demande du pétitionnaire. La loi ELAN, dans un objectif  de resserrer l’intérêt à agir des associations dans le contentieux des autorisations d’urbanisme, a introduit une condition temporelle. Cette condition au régime de l’intérêt à agir des associations en matière d’urbanisme réside dans les termes « si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire » .  

En l’espèce, l’association requérante a demandé au Conseil d’État de transmettre au Conseil constitutionnel sa question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme. Alors que le juge des référés du tribunal administratif avait refusé d’accéder à une telle demande, il en a été différemment devant le Conseil d’État. Ce dernier a estimé que « Ces dispositions, résultant de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, sont applicables aux litiges. Elles n’ont pas été déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel dans leur rédaction issue de cette loi. La question de l’atteinte que ces dispositions portent au droit et libertés garantis par la constitution, notamment au droit de recours garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, présente un caractère sérieux« .

Ainsi, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. Ce dernier est amené à se prononcer prochainement sur la constitutionnalité d’une disposition imposant une durée minimale d’existence d’un an pour qu’une association puisse agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme.

Réf : CE, 31 janvier 2022, n°455122

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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