Le repreneur d’une partie des actifs d’une entreprise candidate en difficulté ne peut pas se substituer à cette entreprise dans la procédure de passation

En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 24 juin 2013, la commune de Chaumont a lancé une consultation selon la procédure de l’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet la construction d’un centre international du graphisme. Les sociétés EDM Projets et Ateliers Bois ont déposé chacune une offre au titre du lot n° 7  » structure métallique – bardages et habillages pierre  » de ce marché. Par une décision du 14 novembre 2013, la commission d’appel d’offres a retenu l’offre de la société EDM Projets.

Or, par une ordonnance du 19 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la phase d’analyse des offres de la procédure de passation du lot n° 7 du marché au motif que la société EDM Projets ne disposait pas des capacités suffisantes pour exécuter ce marché, compte tenu de son placement en redressement judiciaire intervenu après la date limite fixée pour le dépôt des offres.

Par un jugement du 31 décembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de la société EDM Projets en faveur d’une société à créer  » Pierre et Marbre « , qui a ensuite pris la dénomination sociale de société EDM Ateliers de France et dont le capital devait être détenu par la société Financière Mériguet à hauteur de 51 % et par le fonds Qualium à hauteur de 49 %. Dans le cadre du plan de cession de la société EDM Projets, le tribunal de commerce de Paris a notamment, au titre de la reprise des éléments incorporels, autorisé la société EDM Ateliers de France à se présenter comme le successeur de la société EDM Projets.

Le 23 janvier 2014, la société EDM Ateliers de France a déclaré reprendre pour son propre compte et dans les mêmes conditions, la candidature et l’offre déposées par la société EDM Projets. La société Ateliers Bois a été informée du rejet de son offre le 25 avril 2014 et de l’attribution du marché à la société EDM Ateliers de France. Par un jugement du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l’annulation du contrat conclu le 6 juin 2014 entre la commune de Chaumont et la société EDM Ateliers de France correspondant au lot n° 7 du marché ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi à la suite de son éviction illégale de ce contrat. Par un arrêt du 17 octobre 2017, contre lequel la commune de Chaumont se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nancy a, sur appel de la société Atelier Bois, en premier lieu, annulé ce jugement, en deuxième lieu, annulé ce contrat et, en dernier lieu, condamné la commune de Chaumont à verser à la société Ateliers Bois une indemnité d’un montant de 267 832 euros.

La société Ateliers Bois a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler le contrat conclu le 6 juin 2014 entre la commune de Chaumont et la société EDM Ateliers de France correspondant à un lot d’un marché de travaux ayant pour objet la construction du centre international du graphisme de Chaumont et de condamner la commune à lui verser, à titre principal, une somme de 267 832 euros en réparation du manque à gagner subi du fait du rejet illégal de son offre, et, à titre subsidiaire, une somme de 4 970 euros en indemnisation des frais engagés pour présenter son offre. Par un jugement n° 1401765 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Le Conseil d’Etat rappelle que les entreprises placées en redressement judiciaire sont tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché, telle qu’elle ressort des documents de la consultation. Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable. Dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société. Lorsqu’il est soutenu devant lui que le placement en redressement judiciaire de l’entreprise, y compris lorsqu’il est intervenu après le dépôt de son offre, affecte la recevabilité de sa candidature, il appartient au juge d’apprécier si cette candidature est recevable et d’annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur.

Par ailleurs, il considère que la faculté offerte par le pouvoir adjudicateur aux candidats de compléter leur candidature, a pour seul objet de permettre aux candidats de compléter leur dossier avant l’examen des candidatures dans le cas où des pièces seraient absentes ou incomplètes. En revanche, elle n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à un opérateur économique qui reprend une partie des actifs d’un candidat dont la candidature avait été regardée comme ne présentant pas les capacités suffisantes pour exécuter le marché et qui a été placé en liquidation judiciaire à la suite d’un plan de cession, de participer à la procédure de passation d’un marché public alors qu’il n’avait pas lui-même présenté sa candidature.

Or, en l’espèce, si le plan de cession arrêté par le jugement du 31 décembre 2013 du tribunal de commerce de Paris a accordé à la société EDM Ateliers de France, au titre des éléments incorporels inclus dans le périmètre de la cession, le  » droit de se présenter comme successeur de la société  » EDM Projets, la société EDM Ateliers de France a une personnalité juridique distincte de cette dernière. Sa candidature présentée le 23 janvier 2014, dans le cadre d’une simple prorogation du délai de remise de pièces complémentaires relatives aux candidatures déjà déposées, ne pouvait être assimilée à celle qu’avait présentée la société EDM Projets avant la date limite de dépôt fixée au 18 septembre 2013 par le règlement de la consultation, et qui avait été regardée comme ne présentant pas les capacités suffisantes pour exécuter le marché. Par ailleurs, les capacités professionnelles, techniques et financières de la société EDM Ateliers de France au regard desquelles sa propre candidature aurait dû être examinée par la commune de Chaumont si elle avait été présentée avant le 18 septembre 2013, ne se confondent pas avec celles de la société EDM Projets. Ainsi, la cour administrative d’appel de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la commune de Chaumont, en n’écartant pas cette nouvelle candidature et en attribuant finalement le marché à cette société, avait méconnu les dispositions des articles 52 et 53 précités du code des marchés publics ainsi que les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures rappelés à l’article 1er de ce code.

Si le marché litigieux a été attribué à une société dont, ainsi qu’il a été dit au point 8, la candidature, à la date à laquelle elle a été présentée, ne pouvait être légalement retenue, ce vice, en l’absence de circonstances particulières, et notamment d’éléments révélant une volonté de la commune de favoriser cette société, n’est pas d’une gravité telle qu’elle implique que soit prononcée l’annulation du contrat. Par suite, la commune de Chaumont est fondée à soutenir que la cour administrative d’appel de Nancy a inexactement qualifié les faits en estimant que l’illégalité relevée était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à justifier une telle mesure.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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