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Un parc éolien ne peut pas être autorisé s’il est dépourvu de poste de livraison (confère le détail de ma requête)

Les aérogénérateurs et leur poste de livraison, bien qu’étant des constructions distinctes, constituent entre eux un ensemble fonctionnel indissociable. Par suite, et même si le préfet est saisi de demandes de permis de construire distinctes, ils doivent faire l’objet d’un examen global.

Voici l’argumentaire qui m’a permis de faire annuler l’ensemble éolien (extrait de ma requête en date du 3 décembre 2013) .

Le Tribunal administratif de Limoges estime :

« (…) aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne la délivrance d’un permis pour la construction d’une éolienne à l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme portant sur la construction d’un poste de livraison » (point 6. du jugement attaquée)

L’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme dispose :

« Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. (…) »

A l’appui de cet article, le Conseil d’Etat a apporté une précision élémentaire quant aux conséquences d’une annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme.

Dans sa décision en date du 1er mars 2013 (n°350306), il a refusé de considérer comme divisible le permis de construire d’une éolienne et celui d’un poste de livraison.

« Considérant que, pour apprécier si les conditions prévues par l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme permettant de prononcer une annulation partielle de l’arrêté du 13 août 2008 du préfet de la Manche en tant que celui-ci autorisait la construction du poste de livraison étaient remplies, la cour administrative d’appel de Nantes s’est fondée sur la circonstance que l’éolienne et le poste de livraison autorisé par le permis de construire, bien que fonctionnellement liés, constituaient deux ouvrages matériellement distincts ; qu’il résulte de ce qui vient d’être dit qu’elle a, ce faisant commis une erreur de droit ; »

Donc, une éolienne et un poste de livraison sont certes « deux ouvrages matériellement distincts », mais « fonctionnellement liés ». Les éoliennes ne peuvent être raccordées au réseau EDF sans poste de livraison.

Cet arrêt reconnait en substance que des permis de construire pour des éoliennes pour lesquelles aucun poste de livraison n’a été autorisé, n’ont aucune raison d’être, l’ensemble du projet étant déséquilibré.

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’analyse qui avait été faite par le Conseil d ‘Etat :

« Considérant qu’il résulte du point 6 qu’il y a donc lieu d’annuler l’arrêté du 22 avril 2008 du préfet du Pas-de-Calais et sa décision du 19 janvier 2009 rejetant le recours gracieux formé par la société pétitionnaire en tant qu’il porte sur les éoliennes n° 2 et n° 3, ainsi que sur le poste de livraison qui en constitue un accessoire indispensable ; 8.

(…)

Considérant qu’eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais accorde à la SNC MSE La Crête Tarlare l’autorisation de construire les éoliennes n° 2 et n° 3 ainsi que le poste de livraison indispensable à leur fonctionnement ; » (CAA Douai, 4 avril 2013, n°12DA00841)

Par ailleurs, la société WPD n’a déposé aucune demande de permis de construire de poste de livraison depuis le 1er juillet 2011 alors que l’étude d’impact se fonde sur le poste de livraison refusé et que dans les conditions actuelles , le parc ne pourra pas être raccordé au réseau EDF.

L’étude d’impact précise les actions requises pour le raccordement au poste de GOUZON ainsi que leur impact sur l’environnement :

« 5.3.2.3 Le raccordement au réseau

Le poste de livraison situé en point haut pourra être visible, il conviendra donc de l’intégrer par une architecture soignée et une implantation selon la topographie du lieu. L’impact visuel de la création d’un poste de livraison, dès lors que l’intégration architecturale est réfléchie (mesure de réduction n° 10) sera faible

On note l’exigence du positionnement en point haut du poste de livraison. Cette contrainte et l’absence de disponibilité foncière explique que WPD n’a pas de proposition à faire pour un nouvel emplacement du poste de livraison

Il est à noter que les informations de l’étude d’impact et de la société WPD sont insuffisantes pour renseigner la population » (page 21, 40, 41 de l’étude d’impact)

Par conséquent, les permis de construire litigieux devaient être annulés en ce que l’existence d’un poste de livraison est indispensable à la connexion au poste de raccordement.

La décision du Conseil d’Etat quant à la divisibilité des autorisations d’urbanisme (ci-dessus précité) peut s’appliquer en l’espèce.

Le juge administratif de 1ère instance argue du fait que rien n’empêche à la société requérante de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire.

Or, la société WPD Energie 21 n’a aucune certitude quant à l’obtention d’un permis de construire quand bien même elle effectue une nouvelle demande.

Par conséquent, le poste de livraison n’ayant pas obtenu un permis de construire, c’est à tort que la Tribunal de Limoges a estimé que le moyen tiré de l’absence de poste de livraison propre aux éoliennes n°2, 3, 4, 5 et 6 devait être écarté.

Le Tribunal de Limoges a estimé que le projet d’implantation d’un parc éolien ne nécessite pas une étude de sécurité publique prévue par l’article L. 111-3-1 du Code de l’urbanisme.

De prime abord, l’étude de sécurité publique n’est pas requise pour les éoliennes.

Néanmoins, si on fait une lecture littérale des textes, celle-ci devait être jointe à la demande de permis de construire.

En effet, d’une part, il ressort des textes que les éoliennes querellées entrent bien dans le champ de l’article R.111-48 2° dudit code :

  • Il s’agit bien de la « réalisation d’une opération d’aménagement »;
  • Il s’agit également d’un projet situé à l’intérieur d’un « périmètre délimité par arrêté du Préfet », puisque l’arrêté de ZDE doit justement être considéré comme « un périmètre délimité par arrêté du Préfet».

Cette lecture littérale du texte est corroborée par l’analyse téléologique qui a présidé au vote de l’article R.111-48 dudit code, qui en réalité vise l’ensemble des ouvrages et aménagements susceptibles d’être la cible d’actions pouvant affecter la sécurité publique, en ce compris les actions terroristes.

Il n’est donc pas déraisonnable de penser que ce texte a vocation à s’appliquer en l’espèce, et qu’une telle étude faisant défaut, la demande de permis devait là encore être rejetée, ou faire l’objet d’une demande de complément.

Par ailleurs, l’étude d’impact ne montre pas les niveaux de séisme qui ont été pris en compte dans le dimensionnement des éoliennes choisies pour le projet.

Les caractéristiques ou nuances des aciers utilisées pour la réalisation du mât des éoliennes ne figurent pas dans l’étude d’impact. Il est donc impossible de vérifier par un bureau d’études la tenue des éoliennes en cas de séisme et de tempête.

Partant, le Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation de la règle de droit, la Cour annulera le jugement qui a été rendu.

Contenu de l’arrêt

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2013, et le mémoire complémentaire, enregistré le 15 juillet 2014, présentés pour l’association Saint-Priest Environnement, dont le siège est Le Tromp à Saint-Priest (23110), M. Philippe D==, demeurant xxxxxx, Mme Isabelle B==, demeurant xxxxxx, Mme Simone B==, demeurant xxxx, par Me Coussy

L’association Saint-Priest Environnement et autres demandent à la cour : 1°) d’annuler le jugement n° 1101832 du 3 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Creuse a accordé à la société Wpd Energie 21 Limousin deux permis de construire pour l’édification respectivement de trois et deux éoliennes sur le territoire des communes du Chauchet et de Saint-Priest ;

2°) d’annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, soit 1500 euros à chacun d’entre eux ;


1. Considérant que la société Wpd Energie 21 Limousin a présenté trois demandes de permis de construire pour l’édification d’une part de trois éoliennes sur le territoire de la commune du Chauchet, d’autre part de deux éoliennes sur le territoire de la commune de Saint-Priest et enfin d’une éolienne et d’un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tardes ; que, par un seul arrêté du 1er juillet 2011, le préfet de la Creuse a, sous réserve de certaines prescriptions, accordé les permis de construire pour les projets concernant les communes du Chauchet et de Saint-Priest, tandis qu’il refusait par arrêté du même jour, devenu définitif, le permis de construire une éolienne et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tardes ; que l’association Saint-Priest Environnement, M. D==, Mme B==t et Mme B== relèvent appel du jugement n° 1101832 du 3 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande d’annulation des permis de construire délivrés à la société Wpd Energie 21 Limousin le 1er juillet 2011 pour l’édification de cinq éoliennes au Chauchet et à Saint-Priest ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la société Wpd Energie 21 Limousin :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’association Saint-Priest Environnement, dont les statuts ont été déposés en préfecture antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, a pour objet la défense de la qualité de vie des habitants de Saint-Priest et des communes avoisinantes ; que cet objet social lui donnait intérêt pour agir à l’encontre du permis de construire cinq éoliennes sur le territoire de Saint-Priest et de la commune voisine ; qu’en tout état de cause M. D==, Mme B==t et Mme B==, qui résident au Tromp et au Chauchet, dans un rayon d’un kilomètre environ du projet, ont un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

3. Considérant par ailleurs que l’association Saint-Priest Environnement et M. D== avaient notifié leur recours gracieux au pétitionnaire et au préfet de la Creuse le 2 août 2011 ; que le recours contentieux enregistré le 7 décembre 2011 a été notifié les 7 et 11 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, si la demande de Mme B== et Mme B==, dont le recours gracieux n’avait pas été notifié au pétitionnaire, doit être regardée comme tardive et par suite irrecevable, la fin de non recevoir tirée du défaut de notification du recours gracieux et de la requête de première instance doit être écartée en ce qui concerne l’association Saint-Priest Environnement et M. D== ;

4. Considérant que si la société Wpd Energie 21 Limousin a soutenu devant le tribunal que la requête était dépourvue de timbre, il ressort des pièces du dossier que cette fin de non recevoir manque en fait ;

5. Considérant que le mémoire complémentaire produit le 15 juillet 2014 par l’association Saint-Priest Environnement et autres a été présenté par ministère d’avocat ; qu’il est donc recevable ;

Sur la légalité des permis de construire :

6. Considérant qu’aux termes de l’article l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme : « Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux normes de fond résultant des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords » ; qu’il résulte de ces dispositions, qu’une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit faire l’objet d’un seul permis de construire sur lequel l’administration doit nécessairement porter une appréciation globale ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, si le pétitionnaire avait envisagé la construction d’un parc éolien comprenant six éoliennes et leur poste de livraison, le préfet de la Creuse a autorisé seulement la construction de cinq éoliennes, par les deux permis de construire en litige, et a refusé le permis de construire la sixième éolienne et le poste de livraison permettant le raccordement du parc au réseau public ; que, toutefois, si un aérogénérateur et un poste de livraison sont des constructions distinctes, elles ne présentent pas le caractère de constructions divisibles mais sont au contraire fonctionnellement liées entre elles ; que ces différents éléments d’un même projet éolien ne peuvent pas non plus être regardés comme des éléments ayant une vocation fonctionnelle autonome pouvant donner lieu à des permis de construire distincts, en raison notamment de l’ampleur ou de la complexité du projet ; que, par suite, alors même qu’il était saisi de demandes de permis distinctes, le préfet ne pouvait autoriser la construction des cinq éoliennes alors qu’il refusait par ailleurs le permis de construire le poste de livraison indispensable à leur fonctionnement;

8. Considérant, pour l’application de l’article L.600-4-1 du code de l’urbanisme, qu’aucun autre moyen de la requête n’est susceptible, en l’état du dossier, de fonder l’annulation des permis de construire ;

9. Considérant que dans les circonstances de l’espèce, et au regard du nécessaire examen d’ensemble du projet éolien, qui peut faire l’objet d’une nouvelle présentation au regard notamment du régime des installations classées pour la protection de l’environnement dont relèvent depuis le 13 juillet 2011 les éoliennes, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association Saint-Priest Environnement et autres sont fondés à demander l’annulation du jugement et des permis de construire du 1er juillet 2011 du préfet de la Creuse autorisant d’une part la construction de trois éoliennes à Chauchet et d’autre part la construction de deux éoliennes à Saint-Priest ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Saint-Priest Environnement et autres, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Wpd Energie 21 Limousin, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 1 500 euros demandée par l’association Saint-Priest Environnement et M. D== au même titre ; qu’il y a lieu, en revanche, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, de rejeter la même demande présentée par Mme B== et Mme B== ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101832 du tribunal administratif de Limoges en date du 3 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : Les permis de construire en date du 1er juillet 2011 délivrés à la société Wpd Energie 21 Limousin pour la construction de trois éoliennes sur le territoires de la commune du Chauchet et deux éoliennes sur le territoire de la commune de Saint-Priest sont annulés.

Article 3 : L’Etat versera à l’association Saint-Priest Environnement et à M. D== la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Wpd Energie 21 Limousin tendant à la condamnation de l’association Saint-Priest Environnement et autres au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Me COUSSY

CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR PUBLIC

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

Audience du 19 mars 2015

Conclusions de Mme Mège

13BX03243 – association Saint-Priest Environnement, M. D==, Mme B== et Mme B==

La Sté wpd Energie 21 Limousin a conçu le projet d’implanter sur les communes de Le Chauchet, Saint-Priest et Tardes, un parc de 6 aérogénérateurs et présenté à cet effet 3 demandes de permis de construire : l’un pour la construction de 3 machines dans la commune de Le Chauchet, l’autre pour la construction de 2 machines dans la commune de Saint-Priest et le dernier pour la construction d’une machine et du poste de livraison dans la commune de Tardes.

Estimant que la construction de l’éolienne prévue dans la commune de Tardes ainsi que du poste de livraison était contraire aux dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme en raison de l’impact de ces constructions sur le château de Montflour, classé monument historique, le préfet de la Creuse a, par un arrêté du 1er juillet 2011, refusé la délivrance du permis de construire pour ces deux constructions ; par arrêté du même jour il a en revanche accordé les permis sollicités pour la construction des autres aérogénérateurs.

L’association Saint-Priest Environnement, M. D==, Mme B== et Mme B==, qui avaient saisi le tribunal administratif de Limoges d’une demande d’annulation de ces deux permis de construire relèvent appel du jugement du 3 octobre 2013, rejetant leur demande, par une requête parfaitement recevable, les requérants ayant satisfait à l’obligation de notification de leur requête en application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme et leur qualité à saisir la Cour ne pouvant être mise en doute s’agissant de parties au litige en première instance ; pas plus d’ailleurs que leur qualité leur donnant intérêt à agir en première instance, à supposer que l’invocation de cette fin de non-recevoir par la sté wpd Energie 21 soit en réalité dirigée contre la recevabilité de l’action devant le tribunal : en effet l’objet statutaire de l’association lui donnait intérêt à agir contre des permis de construire autorisant la construction d’éoliennes, et les pièces du dossier établissent qu’en raison de la proximité entre le parc éolien et les domiciles de M. D==, Mme B== et Mme B==, ces derniers avaient également qualité leur donnant intérêt à agir.

Les moyens relatifs à l’irrégularité du jugement ne vous retiendront guère.

Certes, il est exact que les visas de la requête mentionnent par erreur le domicile de Mme B== comme étant situé à Saint-Priest au lieu du lieu-dit Bussière au Chauchet. Une telle erreur est cependant restée en l’espèce sans aucune incidence sur l’appréciation portée par le tribunal sur la requête notamment dès lors que les 1ers juges ne se sont pas prononcés sur la recevabilité de la requête et donc sur l’appréciation de l’intérêt à agir des requérants au regard des modalités de confrontation entre leur domicile et le parc d’aérogénérateurs.

Il est également exact que le mémoire du préfet de la Creuse enregistré le 13 septembre 2013, lequel produisait pour la 1ère fois l’avis du directeur régional de l’environnement et de l’aménagement du Limousin, qui a été communiqué le même jour aux parties, n’a laissé qu’un temps très court aux requérants pour y répliquer la clôture d’instruction étant intervenue trois jours francs avant l’audience, c’est-à-dire le dimanche 17 septembre 2013. Or l’absence de communication à une partie, en temps utile pour y répondre, d’un mémoire ou de pièces jointes à un mémoire, entache la procédure d’irrégularité, du moins lorsque le tribunal a fondé son jugement sur ces éléments non communiqués en temps utile [1]

Si le délai qui a été ici laissé aux requérants pour répondre à ce mémoire produisant pour la 1ère fois l’avis du DREAL peut-être regardé comme insuffisant[2], cette circonstance n’est cependant susceptible d’entacher le jugement d’irrégularité selon la jurisprudence précitée, que si les éléments ainsi invoqués ou produits ont fondé la décision du tribunal.

Or le seul emploi dans le jugement de la locution campagne-parc pour qualifier le paysage dans lequel prendra place le projet, qui figure effectivement dans l’avis du DREAL ne suffit pas à établir que le tribunal, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, alors qu’il s’agit là d’un terme géographique courant qui était utilisé également dans d’autres documents figurant déjà au dossier, tel notamment l’étude d’impact, se serait fondé sur cet avis du DREAL.

Enfin, le mémoire que les requérants ont produit le 18 septembre 2013 après clôture de l’instruction a bien été visé, de même que la note en délibéré qu’ils ont produit après l’audience.

Ainsi les moyens d’irrégularité du jugement seront écartés.

Quant au fond, la situation de ce projet présente la singularité, déjà évoquée dans la présentation des faits qui ont conduit les requérants à vous saisir, que les deux permis de construire ont été délivrés alors que la 3ème demande portant notamment sur le poste de livraison, a été rejetée par une décision du préfet de la Creuse du même jour devenue définitive.

Les requérants invoquent de ce fait une illégalité des deux permis de construire comme ayant été délivrés sur des éléments indissociables du volet du projet de construction ayant été refusé.

Il faut ici peut-être dire un mot du principe de fonctionnement des aérogénérateurs et des parcs éoliens. C’est bien évidemment la force du vent qui après démarrage fait tourner les pales et entraîne le rotor qui transmet l’énergie reçue à un générateur situé dans la nacelle de l’éolienne qui produit de l’énergie électrique. Celle-ci est ensuite transmise à un poste de transformation situé à l’intérieur du pied du mât puis conduite par un réseau de câbles électriques enterrés jusqu’au poste de livraison à partir duquel l’ensemble de l’énergie électrique produite est injectée dans le réseau public de distribution.

La question qui est posée par la configuration particulière de permis de construire des aérogénérateurs dépourvus de tout poste de livraison assurant la possibilité de connecter le réseau interne au parc au réseau public pour que l’énergie électrique produite soit distribuée, est celle de la divisibilité au sein de ce projet global de parc éolien de 6 aérogénérateurs entre les éoliennes elles-mêmes et le poste de livraison.

A cet égard, vous pourrez vous appuyer sur la jurisprudence relative à la divisibilité des permis de construire même si vous êtes ici en présence de trois demandes de permis distincts dès lors qu’il s’agit bien d’un seul et unique parc éolien, porté par le même pétitionnaire, et qui aurait d’ailleurs pu donner lieu à la présentation d’une seule et unique demande sans même qu’y fasse obstacle :

– ni la circonstance que les machines étaient situées dans trois communes distinctes dès lors que les permis de construire pour de tels équipements relèvent désormais de la compétence du préfet et non des maires des communes concernés ;

– ni celle que les demandes de permis de construire doivent être adressées ou déposées auprès de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés.

La jurisprudence a ainsi précisé que lorsque des ouvrages distincts mais indispensables au fonctionnement de l’ensemble de l’opération sont situés sur plusieurs communes, la demande de permis qui porte sur l’ensemble peut alors être déposée dans chacune des communes concernées[3].

La jurisprudence a également précisé que des constructions indivisibles doivent faire l’objet d’un permis de construire unique ce qui rend illégale la délivrance d’un permis de construire pour une partie seulement d’un ensemble indivisible[4].

D’ailleurs, pour reprendre les termes de M. de Lesquen dans ses conclusions sur CE – M et Mme Fritot[5]: « La divisibilité de l’acte administratif se rapporte à la divisibilité matérielle des constructions, dont (…) les critères d’appréciation [ont été précisés] par [la] décision de Section du 17 juillet 2009, Commune de Grenoble et Communauté d’agglomération Grenoble Alpes métropole, n° 301615, A : une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l’objet d’un seul permis de construire ».

Vous le savez, hormis les participations financières[6], les autorisations d’urbanisme sont en effet gouvernées par un principe d’indivisibilité auquel il n’est dérogé que pour des éléments d’un projet ayant, en raison de l’ampleur et de la complexité du projet, une vocation autonome.

C’est ainsi qu’ont été regardées comme non divisibles par exemple, les aires de stationnement devant un hôtel, alors que sont divisibles des bâtiments distincts tel que la construction d’un garage[7] ainsi que plusieurs bâtiments d’une résidence[8].

Plus proches de notre cas de figure, sont divisibles la construction d’éoliennes et celle d’un mat de mesure du vent[9]; alors que ne le sont pas les antennes relais de téléphonie mobile et les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement qui constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable[10]

Pour déterminer si un permis de construire est ainsi divisible, le juge administratif ne s’attache qu’à la vocation fonctionnelle autonome de l’élément à séparer en recherchant si le projet conserve sa raison d’être, sa portée pratique, et ce indépendamment de ce que les ouvrages sont matériellement distincts ainsi que l’a précisé le CE dans la décision précitée M. et Mme Fritot.

Compte tenu des modalités de fonctionnement d’un parc d’aérogénérateurs, qui ne saurait avoir la moindre utilité si l’énergie électrique ainsi produite ne peut être injectée dans le réseau public de distribution, ce qui est nécessairement le cas s’agissant d’un projet dont a été soustrait la construction du poste de livraison qui assure l’interconnexion entre le réseau interne du parc et le réseau public, les deux permis de construire, tels qu’ils ont été délivrés par le préfet de la Creuse portent sur des éléments indissociables du poste de livraison et formant avec celui-ci un projet unique. Dans cette configuration résultant de la décision du préfet de séparer au sein d’un projet global le poste de livraison, refusé, et les 5 aérogénérateurs accordés, les deux permis se trouvent dépourvus de raisons d’être et de portée pratique. Vous observerez d’ailleurs que la délivrance du certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat de l’électricité produite par ce parc a été refusée le 6 mars 2012 ce qui n’est peut-être pas étranger à l’absence de raccordement de celui-ci.

La délivrance de ces permis portant sur des éléments d’un ensemble indivisible est dès lors illégale.

Les autres moyens invoqués sont beaucoup plus classiques dans le cadre du contentieux des permis de construire des aérogénérateurs.

Il vous est tout d’abord soutenu que la construction d’aérogénérateurs entre dans le champ des dispositions du f) de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme imposant la réalisation d’une étude de sécurité publique en raison de son caractère d’opération d’aménagement susceptible d’être la cible d’actions pouvant affecter la sécurité publique notamment en raison de l’attrait que peut constituer la présence dans ces ouvrages de certains métaux objets de vols ciblés.

Ne sont cependant soumis à une telle obligation, hormis les projets situés dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants, que les créations d’un établissement recevant du public – hypothèse exclue ici, ou les opérations d’aménagement situées à l’intérieur d’un périmètre défini par le préfet après avis du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Or il n’est aucunement établi que le projet soit situé dans un tel périmètre.

Les requérants invoquent également le caractère insuffisant de l’étude d’impact au regard des exigences de l’article R. 122-3 du code de l’environnement qui imposent à cette étude de présenter : 1° Une analyse de l’état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis envisagés qui font l’objet d’une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l’ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement et la santé, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l’environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation (…).

La jurisprudence Sté Ocreal[11] est venue préciser à cet égard que inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

Au regard de ces dispositions, l’étude d’impact est critiquée tout d’abord en ce qu’elle ne précise pas les niveaux de séisme qui ont été pris en compte dans le dimensionnement des éoliennes et n’indique pas les caractéristiques de l’acier des mâts des éoliennes ce qui ne permet pas de vérifier leur tenue en cas de séisme et de tempête, ce qui me semble pouvoir être raccroché au volet analyse des effets directs permanents sur la sécurité et la salubrité publique. Les requérants font particulièrement état des effets de la tempête de décembre 1999 dans le secteur qui a entraîné la chute d’arbres sur plusieurs kilomètres dans le secteur proche.

 

Des extraits de l’étude d’impact qui vous ont été communiqués, il ressort que les aérogénérateurs relèvent de la classe II ce qui signifie qu’ils pourront résister à des vents d’une vitesse moyenne de 42,5 m/ sec (soit 153 km/ heure) pendant 10 minutes et à une vitesse extrême de 59,5 m / sec soit 214 km/h. Ce choix est justifié de la sorte dans l’étude p 144 : « les éoliennes de classe II résistent à des vents supérieurs aux rafales les plus importantes mesurées par les stations Météo France les plus proches » sans que, tout au moins dans les extraits produits, ne figurent de tels relevés de Météo France notamment pendant l’épisode de tempête de décembre 1999, permettant de corroborer cette affirmation.

Il est cependant également indiqué que des vents violents peuvent, même si l’occurrence de ce genre d’évènements est faible, être à l’origine de la chute d’un élément du rotor ou de projection d’un fragment de pale ou d’une pale entière, ou encore d’un effondrement de la structure. S’appuyant sur des études portant soit sur l’ensemble du parc allemand soit sur l’ensemble des parcs danois, allemands et hollandais, il est indiqué l’occurrence pour de tels accidents, qui est extrêmement faible ; il est également mentionné la distance maximale atteinte par une projection d’un morceau de pale dans les accidents répertoriés, soit 300 mètres et indiqué que seul des bâtiments agricoles et des routes peu fréquentées sont dans ce périmètre. Au vu de ces précisions, l’étude parait avoir été suffisante quant à l’étude des risques liés aux vents violents.

Quant au risque sismique, l’étude fait état de ce que des séismes peuvent entrainer un effondrement des structures, précise l’occurrence de ces phénomènes et renvoie à la description de l’état initial du site pour établir que les risques sismiques sont extrêmement faibles, ce qui me parait également suffisant en l’absence d’éléments pouvant laisser craindre une sous-estimation de la sismicité en Creuse.

Elle est également contestée en ce qu’elle ne démontre pas la rentabilité du site au regard des caractéristiques du vent. Mais de tels éléments ne sont pas au nombre de ceux qui doivent figurer dans l’étude d’impact ni de ceux pouvant être pris en considération par l’autorité administrative pour délivrer ou refuser le permis sollicité. Dès lors quand bien même des doutes pourraient planer sur la rentabilité du site alors surtout que celui-ci s’est vu refuser le certificat permettant de bénéficier du tarif préférentiel de rachat de l’électricité produite, il ne saurait être retenu une insuffisance de l’étude d’impact sur ce point.

 

L’étude d’impact est ensuite critiquée dans son volet étude acoustique compte tenu des bruits générés par le fonctionnement des aérogénérateurs. Or l’étude d’impact comporte une étude acoustique, réalisée par la sté Acoustic Dia, qui en précise la méthodologie, et s’appuie :

  • d’une part sur des relevés recueillis pendant 5 jours complets (période diurne et période nocturne) et une période nocturne sur 7 sites extérieurs correspondant à l’environnement immédiat des maisons d’habitation qui sont présentées comme étant les plus exposées aux nuisances sonores du parc, pour établir les niveaux sonores existants avant mise en service du parc, dénommé bruit résiduel,
  • d’autre part sur une modélisation informatique sans plus de précision, pour établir les émergences issues du parc, tant à l’extérieur, qu’à l’intérieur des habitations fenêtres ouvertes ou fermées, avec une vitesse de vent de 4m, 5m, 6m et 8 m/sec à 10 mètres.

Outre les tableaux de données sur ces deux points, les résultats par rapport aux émergences réglementaires font l’objet pour chacun des 7 sites, d’une présentation de graphiques et d’un commentaire quant au dépassement ou non des seuils réglementaires précisant les vitesses de vent auxquelles ces dépassements apparaissent. La dernière partie de l’étude est consacrée aux mesures de réduction par bridage de 3 éoliennes pendant les périodes nocturnes pendant lesquelles des dépassements ont été mis en évidence précédemment

Si les requérants soutiennent que l’étude acoustique est insuffisante en faisant état d’incertitudes sur les calculs de vitesse de vents pris en compte et de l’inadaptation des mesures acoustiques retenues en fonction du vent, ils ne le démontrent pas en l’état du dossier.

A cet égard, il convient de préciser que si les requérants pointent le risque que les impératifs de rentabilité économique du parc conduisent la sté à ne pas respecter les engagements de bridage des aérogénérateurs dans certaines conditions climatiques engendrant des niveaux d’émergence supérieurs aux seuils réglementaires – conditions qui peuvent correspondre aux niveaux optimum de production de l’électricité – , il ne s’agit pas là d’éléments pouvant être appréhender au niveau de la délivrance du permis de construire, lequel est assorti de prescriptions en la matière quant à l’obligation de bridage des machines pour respecter les seuils règlementaires, mais bien seulement d’éléments pouvant se révéler exacts au fil de la mise en fonctionnement du parc.

Il ne saurait non plus être reproché à cette étude acoustique de ne pas avoir comporté d’éléments concernant le bâtiment le plus proche des aérogénérateurs, à savoir la maison de la Brande située à moins de 300 mètres des éoliennes n° 3 et 4 ; en effet, cette maison n’est plus une maison d’habitation et si elle a fait l’objet d’une déclaration préalable en vue d’un changement de destination à laquelle il n’a pas été fait opposition, il ressort des pièces du dossier qu’il s’agit d’y installer la base de maintenance des installations, laquelle ne se sera en activité avec du personnel en présence permanente que pendant la phase de construction, durant laquelle, par nature, les bruits résultant du fonctionnement des machines ne peuvent exister.

 

Cette étude d’impact est également critiquée en ce qui concerne les nuisances pouvant résulter de l’acheminement des éléments de construction et de la construction elle-même des aérogénérateurs. Elle expose ainsi p 37 le trajet prévisionnellement emprunté par les convois exceptionnels de transport des différents composants avec une cartographie de celui-ci entre la ville de Gouzon et le site en précisant qu’il s’agit là d’un itinéraire indicatif ; une étude plus particulière est menée sur les effets du chantier p 147 et suivantes indiquant la nécessité de certains travaux de voirie à proximité immédiate du parc consistant en des élagages d’arbres et des aménagements d’intersections. Elle est par contre taisante sur les caractéristiques du parcours envisagé (rétrécissement de voies notamment au passage de ponts, rayon insuffisant de certains virages) mais je doute que de tels éléments aient à figurer dans l’étude d’impact de manière plus précise que par l’indication d’un trajet prévisionnel.

Elle porte également sur le volet démantèlement des éoliennes. L’étude présente à mon sens suffisamment les opérations de démantèlement notamment en ce qui concerne l’évacuation des éléments des aérogénérateurs par les mêmes voies d’accès que celles employées lors de la construction. Et il ne saurait être reproché à l’étude de ne pas mentionner les garanties financières qui doivent être constituées en application des articles L. 553-3, R. 553-2 et R. 516-2 du code de l’environnement, qui, en raison de l’indépendance des législations, n’est pas au nombre des éléments utiles à l’instruction de la demande de permis de construire – situation à laquelle il devrait être remédié dans le cadre du nouveau régime soumettant de tels projets au respect des règles relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement.

De même ne saurait-il être reproché à l’étude d’impact de ne pas comporter d’étude de danger, une telle obligation n’étant pas entrée en vigueur à la date de délivrance des permis de construire, le 1er juillet 2011.

Si l’étude d’impact est rapide quant à l’exposé des effets des aérogénérateurs sur la santé humaine tant en ce qui concerne le risque de rupture de pales que l’incidence de l’exposition aux bruits générés par le fonctionnement des machines ou aux effets des ombres portées et effets stroboscopiques, ceci est à mettre en rapport avec les éléments relatifs à l’occurrence des risques de rupture de pales et avec ceux relatifs aux dépassements des seuils d’émergence.

Enfin, est critiqué le volet relatif aux effets du projet sur la faune. Or l’étude analyse de l’état de la faune sur le site d’implantation et dans ses environs, expose les impacts du projet sur l’environnement et fait état des effets significatifs négatifs du projet sur les populations de chiroptères et l’avifaune migratrice. Le dossier comporte en outre une étude avifaunistique réalisée par la sté pour l’étude et la protection des oiseaux en Limousin, portant à la fois sur les espèces migratrices sur les oiseaux nicheurs et sur les hivernants, qui fait notamment état de la proximité du parc avec des espaces de grande qualité pour l’avifaune, la réserve naturelle de l’Etang des Landes et sa zone de protection spéciale de conservation Natura 2000 étant à environ 5 kilomètres du projet, et conclut que les impacts envisageables sont a priori assez faibles mais que l’attractivité de la réserve naturelle pour l’avifaune notamment lors de haltes migratoires peut augmenter les risques d’impact du projet éolien.

Le dossier comporte en outre une étude spécifique d’incidence au titre de Natura 2000 qui, le projet n’étant pas situé dans une zone Natura 2000 mais seulement à proximité de celles-ci, ne prend en compte que les effets sur la faune sauvage – chiroptères et avifaune -, les effets sur l’habitat des espèces protégées étant nécessairement nul.

Le parc, tel qu’il a été étudié initialement, se trouve à environ 4.5 km de la zone spéciale de conservation ZSC du bassin de Gouzon, à environ 7 km de la zone de protection spéciale de conservation (ZPS) de l’étang des landes (distances qui doivent se trouver légèrement augmentées du fait que la 1ère éolienne a été refusée), et à environ 9.5 km de la zone ZSC des Gorges de la Tardes et du Cher.

Les deux premières sont décrites comme un « joyau ornithologique à l’échelle de la région Limousin » qui accueille 10 espèces animales d’intérêt communautaire dont 3 espèces de chauve-souris ; la 2nde accueille 10 espèces animales d’intérêt communautaire dont 5 espèces de chauve-souris.

Seule deux espèces de chiroptères, le murin à oreilles échancrées et le murin de Bechstein ont été trouvées sur le site du parc éolien lui-même.

L’étude fait état des trois catégories de risques durables des implantations des éoliennes pour les chiroptères : mortalité par collision avec les aérogénérateurs ; effet barrière c’est-à-dire échos et turbulences sur les routes de vol ; perte d’habitats naturels (terrains de chasse et gites) ;

Le risque principal est celui de collision ou, selon certaines études canadiennes, d’hémorragies internes causées par des baisses de pression atmosphérique à proximité des pales. Il est également précisé que la majorité des espèces identifiées sur les 2 ZSC et la ZPS sont des espèces considérées comme peu sensibles aux risques de collision, s’agissant d’espèces appartenant au groupe des gleaners qui chassent à basse altitude en attrapant les insectes directement sur le sol et ont un territoire de chasse spatialement limité. L’incidence sur la vitalité de la population est également peu marquée pour ces espèces et compte tenu des hauteurs de vols, les déplacements d’un lieu à un autre pendant la période de parturition se font hors de la zone d’influence du rotor ; l’influence du projet sur l’habitat sera extrêmement faible et il n’existera aucun effet de dérangement ni de dégradation des gites existants.

Concernant l’avifaune nicheuse, la zone Natura 2000 du bassin de Gouzon revêt une grande importance à l’échelle de la région et l’étude de la SEPOL recense 10 espèces nicheuses certaines, 2 probables et 3 possibles ainsi qu’une espèce disparue depuis au moins 20 ans. Sur ces 16 espèces, les 3 espèces d’avifaune aquatique qui ne quittent que rarement leur habitat de roselières, ne subiront aucun effet par la présence du parc ; il en est de même de 4 autres espèces dont le rayon d’action est trop restreint pour être impacté et dont les migrations ont lieu à faible hauteur ; l’incidence sur l’engoulevent d’Europe et le martin-pêcheur peut être exclue en raison là encore de la distance ; l’aigrette garzette et le héron pourpré ont un rayon d’action plus élevé et pourraient donc être en théorie impactés mais le site ne constitue pas un habitat nourricier potentiel pour ces deux espèces ; il ne st de même pour l’œdème criard. Les rapaces sont davantage susceptibles d’être impactés : parmi eux le busard des roseaux et le busard Saint-Martin n’ont pas été détectés comme utilisateurs potentiels de la zone.

Reste seuls possiblement impactés le milan noir et la bondrée apivore auxquels l’étude d’incidence Natura 2000 consacre spécifiquement plusieurs paragraphes.

Pour le milan noir, il est ainsi fait état de ce que les « enjeux de conservation du milan noir peuvent être liés à certaines causes d’échecs de nichées liés aux dérangements imputables à l’homme. Il n’est donc pas aberrant de penser qu’un parc éolien dans l’entourage proche d’une aire de reproduction pourrait avoir une incidence négative de dérangement du nid, sur l’installation du couple ou le succès de la reproduction (bruit et vibration de la phase de travaux, bruits et mouvements de rotation des pales, effets stroboscopiques des ombres portées…). Mais aucune référence bibliographique ne permet de confirmer cette hypothèse » ; l’étude mentionne également que les risques d’effet barrière ou de réaction d’évitement semblent relativement faibles même s’ils sont plus importants que pour les autres rapaces et que le risque de collision paraît assez faible.

Au-delà de ces généralités, il est mentionné que la population de 2 à 5 couples de la ZPS n’est pas menacée par le risque de dérangement même s’il est précisé qu’il s’agit là d’une hypothèse dans la mesure où la base de données n’est pas complète. Toutefois, eu égard à la distance entre la zone Natura 2000 et le projet, l’étude estime qu’aucune perturbation n’est à prévoir au niveau de l’aire ; qu’eu égard aux caractéristiques de fréquentation du site éolien en période de reproduction (aucun contact établi) et de migration (un seul contact établi), et à la distance d’avec le site Natura 2000, on ne peut pas parler de problématique véritable pour conclure que si l’on ne peut pas exclure totalement l’éventualité d’une collision, l’espace vital du milan noir n’apparait pas directement concerné par le projet.

Quant aux effets sur la bondrée apivore, l’étude rappelle que même si cette espèce reste inscrite à l’annexe 1 de la directive Oiseaux, elle n’est pas menacée en France et présente, de même que le milan noir, un statut de conservation LC c’est-à-dire de préoccupation mineure. En ce qui concerne le risque de dérangement au nid ou de perte d’habitat, aucune donnée bibliographique ne permet de le quantifier, les oiseaux nicheurs présentant, du fait de leur faculté d’accoutumance, une tolérance spécifique variable non seulement selon les espèces mais aussi selon les individus et les observations faites montrent l’absence d’effet barrière ou d’effarouchement. L’étude conclut donc qu’il est possible d’exclure un impact de ce fait ; quant au risque de collision, il semble également faible (1 cas recensé en Allemagne pour environ 1 millier d’oiseaux recensés). Il est également fait état d’absence de perturbations lors des migrations.

Il s’en déduit que pour la zone projetée le risque est faible de manière générale et particulièrement l’absence d’effet destructeur d’une zone de reproduction eu égard une fois encore à la distance ; enfin si le risque de collision ne peut être exclu dans la mesure où la zone de rayonnement de cette espèce est relativement vaste, l’effet est qualifié de relativement faible.

Enfin, s’agissant des passages migratoires, pour lesquels l’incidence peut se traduire soit en termes de risques de collision ou d’effets barrière, soit en termes de perte d’habitat pour les secteurs de haltes migratoires, la plupart des espèces concernées sont ici des espèces aquatiques ou semi aquatiques qui vont privilégier le passage par les callées humides et choisir comme haltes également des zones humides ; il en est de même pour plusieurs espèces de rapaces et de grands voiliers. Or l’ensemble du réseau formé par les vallées et plans d’eaux concernés sont situés à l’ouest du terrain d’assiette du projet ce qui conduit l’étude à conclure que la présence du parc ne devrait pas remettre en cause les modalités de fréquentation de l’étang des Landes et que , toujours en raison de la distance, il n’y aura pas non plus de risque d’influence sur les modalités des haltes migratoires. Quant à l’effet cumulé avec le projet de parc de 6 aérogénérateurs à Chambonchard dont le permis de construire a été accepté, et le projet de Viersat, la distance est suffisamment élevée pour écarter un risque d’effet cumulé.

Toutes ces conclusions vous seront utiles pour l’examen du moyen soulevé par l’association dans son dernier mémoire par lequel elle soutient que l’étude d’incidence Natura 2000 et l’étude d’impact ont méconnu les dispositions de la directive 94/43/CEE dite directive Habitat, dont il convient d’ailleurs de préciser que l’article L. 414-4 du code de l’environnement assure la transposition en droit interne.

Ces dispositions, que vous avez déjà eu à appliquer dans votre arrêt Ministre de l’Ecologie, du développement durable des transports et du logement – 31 octobre 2013 – n° 12BX00988, interprétées conformément à la décision de la CJUE sur les conditions d’application de la directive Habitat imposent que l’autorisation d’un projet entrant dans leur champ d’application ne soit accordée qu’à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés tous les aspects dudit projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, aient acquis la certitude qu’il est dépourvu d’effets préjudiciables susceptibles d’empêcher le maintien durable des caractéristiques constitutives du site concerné. Votre arrêt a en outre précisé qu’il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets.

L’ensemble des éléments de l’étude Natura 2000 que j’ai rappelé permettent d’écarter toute insuffisance de l’étude d’incidence et les conclusions étant très nettes pour écarter tout doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence d’effets du projet sur les populations protégées, écarter également qu’il aurait fallu informer la commission européenne de la décision d’accorder le projet.

Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de l’étude d’impact sera écarté.

 

 

Les moyens suivants sont relatifs à la régularité de la procédure d’enquête publique.

Même si les requérants rapportent des propos du commissaire-enquêteur qui font état d’un manque de retenue de sa part en tenant lors de réunion publique des propos pouvant être entendus comme exposant un a priori favorable au projet, et que son rapport et ses conclusions motivées s’appuient essentiellement sur les données de l’étude d’impact, de telles circonstances ne suffisent pas à établir un défaut d’impartialité ni l’existence d’intérêt personnel au projet de Mme G== ni même une insuffisante motivation de l’avis personnel de cette dernière à l’issue de l’enquête publique ou une insuffisante compétence dès lors qu’elle figurait sur la liste d’aptitude prévue par l’alinéa premier de l’article L. 123-4 du code de l’environnement.

 

Les permanences ont été tenues pendant la durée de l’enquête publique dans des conditions régulières et le commissaire-enquêteur a comme il se devait pris en compte l’ensemble des avis tant favorables que défavorables émis à l’occasion de l’enquête publique.

 

Enfin, l’enquête publique s’étant déroulé dans des conditions régulières, il ne saurait être reproché un manque de concertation avec la population étant précisé qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose d’autre modes de concertation avec la population que la mise en œuvre dune enquête publique.

Au titre de la légalité interne, vous écarterez tout d’abord le moyen tiré de ce que le préfet a délivré les deux permis de construire par un seul et même arrêté aucune disposition ne faisant obstacle à une telle présentation de la décision sur les deux demandes.

Les requérants soutiennent que les permis délivrés sont entachés d’erreur manifeste d’appréciation des atteintes à la sécurité ou la salubrité publique pour l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

Ce moyen pourra être également écarté : si des risques peuvent exister quant au bris ou à la chute de pales, la distance de 700 mètres entre les aérogénérateurs et les habitations les plus proches ainsi que les systèmes de détection des conditions météorologiques et d’arrêt automatique en cas de conditions le nécessitant, me semble de nature à exclure le risque allégué y compris en ce qui concerne le village de Tromp situé à environ 800 mètres et même dans le cas d’une tempête semblable à celle de décembre 1999 ; en effet, si, ainsi que je l’ai déjà évoqué lors de l’examen de l’étude d’impact, il n’est pas certain que le choix d’éoliennes de classe II permettent à ces ouvrages de résister à des vents de l’ordre de ceux qui ont soufflés pendant cette tempête, rien ne permet de penser que les éléments d’éoliennes qui en seraient détachés pourraient être projetés à des distances telles que cela présenterait un danger pour les habitants des zones concernées.

Quant à l’aspect salubrité publique en raison du bruit généré par le fonctionnement des aérogénérateurs, qui est effectivement la source principale de nuisances occasionnées par de tels ouvrages, que le rapport de l’académie de médecin décrit comme émettant un bruit lancinant, préoccupant, perpétuellement surprenant car irrégulier en intensité avec des sonorités grinçantes et incongrues et comme étant à l’origine de vibrations du milieu ambiant, le permis de construire est assorti des prescriptions habituelles quant au respect des de la réglementation relative aux bruits de voisinage en période diurne comme en période nocturne notamment en mettant en œuvre les procédés de bridage des éoliennes prévus par le pétitionnaire. Or la jurisprudence regarde constamment de telles prescriptions comme suffisantes pour écarter l’ erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article R. 111-2, en dépit des conclusions très claires du rapport de l’académie de médecine en la matière qui préconise un éloignement de l’ordre de 1500 m, renvoyant ainsi le contrôle des risques en la matière au suivi de la mise en exploitation selon la distinction classique, mais appelée désormais à disparaître, entre ce qui relève de l’autorisation au titre de l’urbanisme et ce qui relève du fonctionnement de l’ouvrage désormais soumis au respect des dispositions sur les installations classées pour la protection de l’environnement. S’il est mentionné des risques particuliers pour les habitants du hameau de Bussière, situé dans l’axe des vents dominants à environ 1 000 m des aérogénérateurs, l’étude acoustique ne met pas en évidence d’émergence au dessus des seuils réglementaires et les mêmes considérations que celles précédemment exposées s’agissant des prescriptions dont est assorti le permis conduisent en l’état des règles à respecter en matière de bruits à devoir écarter le moyen.

L’association requérante revient sur ce point dans son dernier mémoire en se prévalant d’une étude du CEA qui fait état de la marge d’incertitude quant aux mesures acoustiques ; mais ainsi que je le rappelais à l’instant, la jurisprudence administrative est particulièrement sensible aux engagements pris par les promoteurs de tels projets quant au bridage des aérogénérateurs en cas d’émergence supérieure aux seuils réglementaires ce qui conduit à écarter ce nouvel argument dès lors que si compte tenu de la marge d’erreur, des dépassements avaient lieu, il y serait mis fin par le bridage des machines. Et il n’existe dans ce dossier aucun élément particulier qui permettrait sur ce point d’envisager une évolution de la position de la jurisprudence.

Le point le plus délicat me semble être ici l’impact visuel sur ce hameau duquel l’ensemble des 5 aérogénérateurs autorisés seront visibles ce qui induit une exposition à l’effet stroboscopique généré par le mouvement des pales et le clignotement des feux de balisage qui pourrait être sensible à cette distance qui, compte tenu de la hauteur des aérogénérateurs en cause, reste faible. Mais, même si l’on ne peut que comprendre les craintes des riverains quant à l’exposition répétée à de tels phénomènes, aucun élément scientifique n’est venu à ce jour les étayer quant à des répercussions sur la santé et donc la salubrité publique, de sorte que le moyen ne peut, en l’état de l’instruction, être retenu.

Si les requérants font état de risques pour les avions militaires dans les survols à basse altitude opérés dans la région qui est une zone d’entraînement pour ce type de vols notamment pour des vols sous les limites de détection par radars, le commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes de zone de défense sud n’a émis aucune réserve à ce sujet ce qui conduit à penser que les contraintes résultant de la présence des aérogénérateurs dans la zone d’entraînement des vols sous le plafond de détection seront prises en compte par les plans de vol et les exercices d’entraînement.

Enfin, si les requérants font état de risques pour la salubrité résultant du stockage d’huiles de lubrification et de pièces contenant des métaux qui pourraient présenter des dangers lors des manipulations et transports, aucune pièce ne vient étayer leurs craintes.

Les requérants se prévalent ensuite des dispositions de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme en raison de la présence sur le site d’implantation du projet de la nécropole du Louroux. Cependant cette nécropole se situe en réalité à environ 1 km du parc éolien ce qui permet d’écarter tout risque quant à la conservation du site du fait de la construction des éoliennes, même si le responsable du site fait état de la dissémination des vestiges sur une grande superficie. Il n’est pas établi l’existence de vestiges archéologiques connus sur le site même qui nécessiterait des dispositions particulières autres que la réalisation d’un diagnostic archéologique avant travaux, qui fait l’objet d’une prescription dans le permis de construire. Dans ces conditions, le préfet de la Creuse pouvait délivrer le permis de construire avant même que ce diagnostic soit établi sans entacher sa décision d’ erreur manifeste d’appréciation pour l’application de ces dispositions.

Le moyen suivant est tiré de l’ erreur manifeste d’appréciation pour l’application de l’article R. 111-5 en ce qui concerne la desserte des terrains d’assiette par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à la destination des constructions mais aussi la sécurité des accès, en faisant état des difficultés de circulation dans les communes traversées par les convois amenant sur le site les matériaux et notamment les éléments des aérogénérateurs, et de l’impossibilité en l’état des routes et ponts d’acheminer ces éléments, qui font l’objet de convois exceptionnels, sur le site.

La jurisprudence n’a pas eu à ce jour à se prononcer sur l’inclusion des conditions d’acheminement des éléments nécessaires à la construction d’éoliennes sur le site au regard de ces dispositions et la question de l’inclusion dans la notion de « conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés » des conditions nécessitées par les impératifs du projet pendant sa phase de réalisation et dans la notion de « desserte » des routes allant au-delà de l’environnement immédiat du projet.

Non sans quelques hésitations, c’est ce dernier point qui me paraît faire obstacle à ce que l’ erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article R. 111-5 puisse être ici retenue les difficultés ou impossibilités alléguées qui sont situées à plusieurs kilomètres du parc et alors d’ailleurs que si ces difficultés semblent avérées au vu des photographies produites, aucun élément probant, autre que des photographies ne donnant aucune cote précise, n’est cependant apporté quant au gabarit des voies et ouvrages en cause.

Le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme sera écarté comme inopérant en zone de montagne[12].

Quant à l’invocation de la circulaire du 26 février 2009 qui fait état de la volonté du gouvernement, de favoriser le développement des éoliennes de manière ordonnée en évitant le mitage du territoire de sorte de prévenir les atteintes aux paysages, au patrimoine et à la qualité de la vie des riverains, à supposer qu’elle puisse être regardée comme ayant valeur réglementaire, elle ne concerne que la création des zones de développement de l’éolien qui ont été supprimées ainsi que l’élaboration des schémas régionaux, et n’est donc pas invocable utilement à l’appui d’un contentieux dirigé contre un permis de construire. La présence dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres de pas moins de 6 parcs accordés ou en projet ne pourra donc être prise en compte en dépit des covisibilités alléguées.

Aucun élément du dossier ne vient étayer les nuisances apportées aux animaux et le moyen tiré de la violation de l’article L. 110-1 du code de l’environnement sera donc écarté.

Les requérants invoquent ensuite l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme. Si c’est en raison de l’impact de l’une des éoliennes et du poste de livraison sur le château de Montflour, classé monument historique, que le préfet de la Creuse a refusé la délivrance de l’un des 3 permis, il ne ressort pas des pièces que ce monument serait également impacté par la construction des 5 autres machines. Vous savez en outre que le classement en zone Natura 2000 de sites proches du parc éolien n’est pas en lui-même de nature à faire obstacle à la délivrance des permis.

La jurisprudence sur l’application de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme aux projets d’aérogénérateurs est en revanche davantage sensible à la confrontation entre ces machines de grande hauteur et les monuments historiques. Il est ici constant que plusieurs monuments se trouvent dans un rayon de 5 kilomètres : château de Montflour, l’abbaye de Bonlieu ou l’église de Mazeirat, tous 3 monuments historiques, mais aussi des éléments marquants du patrimoine culturel creusois tel que la nécropole gallo-romaine de Louroux et le site de l’ancienne église du Tromp situé seulement à environ 800 mètres du parc éolien.

Il est également établi l’existence de covisibilités entre les monuments historiques classés et les aérogénérateurs. La jurisprudence est cependant réservée quant à la censure de tout projet ans lequel existerait une covisibilité et ne sanctionne que les projets altérant les conditions dans lesquelles le monument peut être appréhendé dans l’ensemble de ses dimensions. Or ici, les requérants n’apportent pas d’éléments qui laisseraient penser que la confrontation s’effectuerait dans des conditions nuisant à la perception de ces monuments. Aucune covisibilité n’est établie s’agissant des vestiges de l’église de Tromp situés au cœur du hameau et la perception du site de la nécropole ne paraît pas non plus altérée par la vision des éoliennes. Quant aux autres monuments historiques situés dans un environnement plus lointain qui ont été recensés par l’étude d’impact, et les sites naturels inscrits du Chat-Cros, situé au nord-est du site éolien, des Gorges de Voueize, situé au nord du projet, et du Bourg de Chénérailles et de ses abords, situé à l’ouest du site éolien, ils ne possèdent aucune covisibilité ni vue sur le parc. De même alors que l’étude d’impact et notamment les photomontages qui y figurent écartent tout conflit de hiérarchie dans la lecture du paysage de l’Etang des Landes et de la Vallée de la Tardes les requérants n’apportent pas d’éléments permettant de contester utilement cette appréciation.

Enfin, si l’environnement dans lequel prendra place le projet est un paysage bocager typique du limousin, caractéristique de la campagne-parc composée de séries de collines et de vallons et appelée ainsi en raison de ce qu’un tel paysage évoque les parcs à l’anglaise, la jurisprudence n’est manifestement pas suffisamment sensible à la beauté tranquille de ce genre de paysages pour que la présence d’aérogénérateurs y soit vue comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au contraire de ce qu’il en est lorsque des paysages similaires servent d’écrins à des monuments historiques dont la vision est altérée par la présence des éoliennes.[13]

Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de la convention de Berne du 19 septembre 1979, qui ne créent d’obligations qu’entre les Etats, et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, transposée en droit interne, sont par suite inopérants.[14]

IL résulte de ce qui a été exposé précédemment que le projet ne peut en l’espèce être regardé comme méconnaissant le principe de précaution tel que protégé par l’article 5 de la Charte de l’environnement.

Enfin, s’il est fort vraisemblable qu’un impact existe du fait de la réalisation d’un tel projet sur la valeur vénale des biens immobiliers les plus proches, un tel élément est sans incidence sur la légalité du permis de construire.

Dans le dernier mémoire produit par l’association requérante, celle-ci soutient en outre que le pétitionnaire ne dispose pas d’un titre l’habilitant à construire  dès lors qu’elle n’est pas propriétaire du terrain et dispose seulement d’une promesse de bail signée 5 ans avant le dépôt de permis de construire et qui n’a jamais fait l’objet d’un acte authentique. Cependant, il n’y a pas lieu d’exiger du pétitionnaire d’autres éléments qu’une attestation, qui prend la forme d’une simple case cochée en regard de la signature du pétitionnaire, par laquelle il déclare avoir qualité pour présenter la demande sur l’ensemble des parcelles constituant le terrain d’assiette du projet. Sauf hypothèse de fraude, qui n’est nullement invoquée, le moyen est donc voué au rejet lorsque, comme en l’espèce le formulaire de demande est dument renseigné, et ce sans qu’il y ait donc lieu de s’interroger sur le conflit d’intérêt qui résulterait de ce que l’un des membres de la famille qui a signé le bail est conseiller municipal. S’il est fait état de la participation au vote de la délibération par laquelle la commune a émis un avis favorable au projet, d’un conseiller municipal qui serait intéressé au sens de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, il s’avère qu’il s’agit seulement de l’avis requis pour la création d’une zone de développement de l’éolien qui ne saurait être contestée à l’occasion d’un recours dirigé contre un permis de construire qui n’est ni un acte d’application de la ZDE ni ne trouve dans l’arrêté de création d’une telle zone sa base légale ; d’ailleurs dans le cadre de la procédure d’instruction de tels permis de construire l’avis des communes sur lesquelles de telles implantations est prévu n’est aucunement requis. Le moyen est donc inopérant.

A l’issue de l’examen de l’ensemble des moyens de la requête, seul le moyen d’erreur de droit à avoir accordé des permis de construire portant sur des éléments non divisibles d’un projet global me paraît devoir être retenu.

PAR CES MOTIFS, je conclus :

– à l’annulation du jugement du 3 octobre 2013 et de l’arrêté du préfet de la Creuse du 1er juillet 2011 (illégalité à avoir accordé des permis de construire des aérogénérateurs non divisibles d’un projet global alors que le permis relatif notamment à la construction du poste de livraison qui seul permet le raccordement du projet au réseau public de distribution a été refusé) ;

– au versement par l’Etat d’une somme de 1 500 € globalement aux requérants.

[1] CE – Holley – 9 juillet 1997 – n° 153 012 et CE- Commune de St-Maurice-sur-Dargoire et Coopérative des céréales du Rhône C/ Association « entente pour la défense de l’environnement et de la nature » – 13 juin 1994 – n° 122 308

[2] CE – Hauchecorne – 23 février 1990 – Y p 927

[3] CE – association de defense Loire et affluents – 26 mars 1997 – n° 172 183

[4] CE – M. et Mme Demoures et autres – 10 octobre 2007 – n° 277 314.

[5] CE – M et Mme Fritot 1er mars 2013 – n° 350 406

[6] CE – Plunian – 13 novembre 1981 – n° 16 504 p 413

[7] CE – Sénécal – 2 février 1979

[8] CE – 10 mai 1996, Société du Port de Toga S.A. et autre, au Recueil

[9] CE – Sté Adéol et Sté Néo Plouvien – 9 juillet 2014 – n° 366 898

[10] CE – Richard et autres – 20 juin 2012 – n° 344 646 B –

[11] CE – – 14 octobre 2011 – n° 323 257 pour une application de ce principe à une étude d’impact relative à des éoliennes : CE- societe energie renouvelable du Languedoc – 7 novembre 2012 – n° 351 411

[12] CE – association protégeons nos espaces pour l’avenir – 19 septembre 2014 – n° 357 327

[13] Cf. votre arrêt – SOCPE de Breuillebault 11 décembre 2014 – n° 13BX02066.

[14] CE – 3 mars 2000 Association France Nature Environnement 189317 ; 2000-12-08 Commune de Breil-sur-Roya 204756   A ; et CAA BX 2013-10-31 12BX00998 Ministre de l’écologie .

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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