Le classement ICPE des éoliennes : un carcan juridique supplémentaire plus contraignant qu’utile

D’emblée, il convient de relever que cette innovation majeure, introduite par la loi « Grenelle II » et son récent décret d’application modifiant la nomenclature des ICPE afin d’y intégrer les éoliennes, était inévitable depuis que la liste des intérêts protégés au titre de la police des ICPE a été complétée par l’insertion des « paysages » (loi n°2009-179, du 17 février 2009 relative à l’acclération des programmes de construction et d’investissement publics et privés). Une telle modification n’a de sens que si l’on prévoit, effectivement, de soumettre les installations éoliennes à cette même police. C’est donc chose faite depuis la publication de la loi « Grenelle II ».

Cette dernière ne se contente pas de poser le principe de la soumission de ce type d’installations au régime des ICPE, et de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d’en préciser les modalités. En effet, elle n’hésite pas à empiéter sur ledit pouvoir en précisant d’ores et déjà que les éoliennes terrestres constituant une unité de production de cinq machines et dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres sont soumises depuis le 13 juillet 2011 au plus tard à la procédure d’autorisation au titre de l’article L 511-2 du Code de l’environnement.

Une telle soumission exigée par la loi emporte des conséquences multiples qui ne sont pas de nature à favoriser le développement de cette énergie renouvelable.

De ce fait, et afin de pouvoir envisager la création d’un parc éolien répondant aux caractéristiques posées par ladite loi, le pétitionnaire doit désormais obtenir une autorisation supplémentaire auprès du préfet qui dispose, en plus, de la possibilité de lui imposer des conditions particulières d’exploitation dans le cadre de son pouvoir de police spéciale des ICPE.

Afin de recevoir cette précieuse autorisation d’exploiter, le promoteur éolien doit passer par une longue et complexe procédure qui débute par la constitution d’un dossier d’autorisation. Ce dernier doit contenir une demande d’autorisation comportant son état civil ainsi que ces capacités techniques et financières, l’emplacement des futures éoliennes, la nature et le volume de l’activité, les caractéristiques techniques des machines utilisées, et le justification du dépôt d’une demande de permis de construire (dans la mesure où les projets soumis à autorisation sont, dans la quasi-totalité des cas, également ceux soumis à l’exigence de permis de construire). Cette demande doit s’accompagner de trois plans, de deux études (une étude d’impact et une étude de danger), et d’une notice attestant du respect de l’hygiène et de la sécurité.

On peut remarquer qu’à ce stade, la procédure ne fait pas réellement preuve d’innovation puisque l’élément principal qui est l’étude d’impact était déjà exigé pour ce type de projet (ancien article L 553-2 du Code de l’environnement).

La procédure se poursuit par l’instruction de la demande d’autorisation. A cette fin, le pétitionnaire doit déposer son dossier à la préfecture qui s’attache à vérifier la recevabilité de la demande dans un délai de deux mois. Une fois le dossier jugé recevable, trois procédures de consultation sont lancées simultanément : une consultation des administrés par le biais d’une enquête publique, une consultation des communes touchées par le projet et une consultation de différents services de l’Etat (Direction Départementale des Territoires, Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, …). On notera que cette procédure d’autorisation n’ajoute pas grand-chose à ce qui existait auparavant puisque le coeur de cette phase de consultation, matérialisé par l’enquête publique, n’est pas une nouveauté.

L’innovation se situe, en réalité, dans l’avis donné par le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Celui-ci, destiné à renforcer la protection de l’environnement, n’en reste pas moins un avis simple qui ne lie pas, sauf exception, l’autorité compétente pour accorder ou refuser l’autorisation d’exploiter.

Lorsque le préfet se prononce favorablement, il doit systématiquement assortir l’autorisation de prescriptions de fonctionnement justifiées par les caractéristiques locales. Cette obligation traduit l’idée selon laquelle il s’agit d’une autorisation d’exploiter mais non de polluer (exemples : mesures de surveillance et de sécurité des éoliennes, contrôle périodique des composants électriques et des installations, stockage des déchets tels que l’huile ou les pièces de rechange, …). Le refus, doit, quant à lui être motivé, mais une telle décision négative est assez rare lorsque la procédure s’est déroulée sans encombre ni contestation.

Finalement, cette soumission à la procédure d’autorisation au titre de la police des ICPE n’apporte pas de réelles garanties supplémentaires de ce que le projet n’est pas nuisible pour l’environnement ou le voisinage. En réalité, il s’agit d’une autorisation supplémentaire entrainant un allongement de la procédure au terme de laquelle les projets éoliens pourront voir le jour, sans garantie, au stade de l’instruction du dossier, d’une meilleure acceptation des projets éoliens d’envergures.

Au contraire, l’effet inverse risque de se produire.

Audrey ROMET

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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