Point d’eau et utilisation de pesticide (TA Montpellier, 5 nov. 2019, n° 1802562)

Par un arrêté du 7 juillet 2017, le préfet de l’Aude a défini les points d’eau à prendre en compte pour l’application de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. Par un courrier daté du 22 janvier 2018. Les associations France nature environnement Languedoc Roussillon (FNE LR) et Ecologie du Carcassonnais, des Corbières et du Littoral Audois (ECCLA) ont adressé au préfet de la Région Occitanie et au préfet de l’Aude un « recours hiérarchique et gracieux » tendant d’une part à l’abrogation de l’arrêté précité, en ce qu’il ne définit pas la totalité des points d’eau de l’Aude en méconnaissance de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017, puis à ce qu’il soit complété en vue de cette identification, et, d’autre part, à ce soient définies les mesures de restriction ou d’interdiction de l’usage des pesticides conformément aux articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE.

Des décisions implicites de rejet sont nées du silence gardé par ces autorités. Par la présente requête, les associations FNE LR et ECCLA demandent au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet opposée à leurs demandes par le préfet de l’Aude e d’enjoindre à celui-ci d’arrêter une nouvelle définition des points d’eau conforme à l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 et d’arrêter des mesures de restriction ou d’interdiction de l’usage des pesticides dans les zones spécifiques visées à l’article 12 de la directive.

Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 4 mai 2017 , il est prévu qu’ : « Aux fins du présent arrêté, on entend par : (…) / « Points d’eau » : cours d’eau définis à l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement et éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000 de l’Institut géographique national. Les points d’eau à prendre en compte pour l’application du présent arrêté sont définis par arrêté préfectoral dûment motivé dans un délai de deux mois après la publication du présent arrêté ». . Par son arrêté du 7 juillet 2017, le préfet de l’Aude a indiqué que « les points d’eau visés à l’article 1er de l’arrêté du 4 mai 2017 (…) regroupent l’ensemble des éléments suivants : – les cours d’eau identifiés en application de l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement ; -les cours d’eau BCAE définis par arrêté ministériel ;- les canaux constitutifs du canal des Deux Mers et ses annexes hydrauliques (canal du Midi, canal de Jonction, canal de la Robine et
rigoles de la Montagne et de la Plaine) et d’une façon générale tous les canaux visés dans
l’arrêté BCAE en vigueur ; – les plans d’eau (lagunes, étangs et mares) figurant sur les cartes de l’Institut Géographique National ; – les fossés permanents ou intermittents représentés en traits continus ou discontinus figurant sur les cartes de l’Institut Géographique National inclus dans les périmètres de protection rapprochés des captages d’eau potable ».

Le Tribunal remarque qu’il est constant que le  préfet de l’Aude n’a pas entendu inclure dans la définition édictée à son article 1er l’ensemble des éléments du réseau hydrographique, excluant, notamment, compte tenu du renvoi à ceux visés dans l’arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales, des canaux, ainsi que de nombreux fossés permanents ou intermittents. Au demeurant, les écritures en défense du préfet confirment qu’il a estimé que la définition de l’arrêté du 4 mai 2017 était un « maxima » et qu’il lui appartenait d’apprécier, en fonction des situations particulières et des enjeux locaux, les points d’eau pouvant bénéficier de la protection.

Le tribunal explique que si les dispositions citées au point 4 de l’arrêté interministériel confient aux préfets le soin de préciser, par arrêté, les points d’eau à prendre en compte conformément aux critères fixés à son article 1er , elles ne prévoient pas la possibilité d’y apporter des restrictions au vu des caractéristiques locales, contrairement à ce que soutient le préfet de l’Aude. Ainsi, en n’incluant pas dans la définition édictée à l’article 1er de son arrêté du 7 juillet 2017 tous les éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000 de l’Institut géographique national, le préfet de l’Aude a méconnu les dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017. Face à cette illégalité, le Tribunal juge qu’il y a lieu d’annuler la décision implicite par laquelle il a refusé de faire droit à cette demande.

Sur le refus du préfet de définir des mesures restreignant ou interdisant l’usage des pesticides dans certaines zones spécifiques, les juges du fond rappellent également que l’article 12 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ainsi que l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, donnent compétence aux ministres désignés à l’article R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime pour définir, en tant que de besoin, des mesures d’interdiction ou d’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les zones protégées mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement et dans les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du code de l’environnement. En conséquence, les associations requérantes ne peuvent, par suite, sans méconnaître les dispositions précitées, soutenir qu’en l’absence, dans l’arrêté interministériel du 4 mai 2017, de telles mesures, il appartenait au préfet de l’Aude d’en édicter, dans le département de l’Aude. Ainsi, le préfet a pu légalement rejeter, par la décision implicite contestée, la demande présentée par les associations dans leur courrier du 22 janvier 2018.

C’est ainsi que le Tribunal administratif a enjoint au préfet, dans le délai de trois mois suivant la date de notification du présent jugement, de compléter son arrêté en vue d’inclure dans la définition donnée les éléments manquants du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000 de l’Institut géographique national, conformément aux dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017.

En revanche, il a rejeté le surplus des conclusions à fin d’injonction dès lors que le présent jugement rejette les conclusions tendant à l’annulation du refus implicite du préfet de l’Aude  de définir des mesures d’interdiction ou de restriction de l’usage des pesticides dans certaines zones spécifiques.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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