En l’espèce, le département de l’Isère a lancé au mois de novembre 2012 une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché alloti de services réguliers de transports publics non urbains de personnes par voie terrestre. L’offre présentée par un groupement d’entreprises composé des sociétés Autocars Faure et Voyages Monnet pour le lot n° 10, relatif à la ligne départementale de desserte du secteur de Grand Lemps, a été classée en seconde position. Le contrat a été conclu le 19 juillet 2013 avec la société Cars Philibert.
Par un jugement du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Autocars Faure tendant, d’une part, à l’annulation de ce marché et, d’autre part, à la condamnation du département de l’Isère à l’indemniser du préjudice résultant de son éviction. La société Autocars Faure se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 21 décembre 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel.
Le Conseil d’Etat rappelle la règle selon laquelle le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a retenus et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n’y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.
De plus, selon les juges de la Haute juridiction, une méthode de notation des offres par laquelle le pouvoir adjudicateur laisse aux candidats le soin de fixer, pour l’un des critères ou sous-critères, la note qu’ils estiment devoir leur être attribuée est, par elle-même, de nature à priver de portée utile le critère ou sous-critère en cause si cette note ne peut donner lieu à vérification au stade de l’analyse des offres, quand bien même les documents de la consultation prévoiraient que le candidat attributaire qui ne respecterait pas, lors de l’exécution du marché, les engagements que cette note entend traduire pourrait, de ce fait, se voir infliger des pénalités.
En l’espèce, la notation de l’un des deux sous-critères de la valeur technique, pondéré à hauteur de 20 %, dépendait exclusivement du niveau de qualité du service que le candidat s’estimait en mesure de garantir et ne résultait que de l’indication par le candidat lui-même d’une note dite note qualité qu’il devait s’attribuer à l’aide d’un outil de simulation. Les éléments mentionnés pour l’auto-évaluation, portant sur la propreté du véhicule, l’ambiance générale au sein du véhicule, la ponctualité, la conduite respectueuse du code de la route ou la qualité de l’accueil à bord du véhicule ne pouvaient faire l’objet d’une évaluation objective au stade de l’analyse des offres.
Or, la Cour administrative d’appel avait estimé que, par le recours à une telle méthode de notation, le pouvoir adjudicateur n’avait pas renoncé à apprécier la valeur des offres au motif, d’une part, qu’il avait précisément défini et communiqué aux candidats les modalités selon lesquelles le sous-critère en litige serait apprécié et, d’autre part, que la note attribuée aux candidats avait vocation à servir de référence pour la détermination de leur note annuelle qualité et le calcul d’éventuelles pénalités en cas de manquement à cet engagement.
Cependant, le Conseil a estimé au regard des règles énoncées précédemment qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.