En l’espèce, l’établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense a confié à la société Gom Propreté, par un acte d’engagement du 23 mai 2009, un marché à bons de commande pour des prestations de nettoiement des espaces publics du quartier d’affaires de La Défense. Estimant qu’une partie de ces prestations n’avait pas été effectuée le dimanche sur la dalle de La Défense et dans le centre commercial La Coupole, l’établissement public a émis le 5 juin 2013 un titre de perception d’un montant de 478 902,30 euros TTC qui a été annulé par un jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, devenu définitif. Il a également émis le 5 avril 2013 un titre de perception d’un montant de 26 905,05 euros TTC, correspondant au paiement de la redevance d’occupation domaniale due par la société Gom Propreté, dont la demande d’annulation a été rejetée par le même tribunal.
Parallèlement, l’établissement public a refusé de régler les factures correspondant à quatre bons de commande, émis du 1er mars au 5 juin 2013, estimant qu’elles devaient être compensées avec ses propres créances vis-à-vis de la société Gom Propreté. Cette dernière a finalement présenté un mémoire de réclamation, reçu le 16 décembre 2013 par l’établissement public, qui a été rejeté par une décision du 31 janvier 2014.
La société Gom Propreté a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 18 juin 2015, a rejeté comme irrecevables les conclusions relatives aux trois premières factures et a prononcé la compensation de la somme de 25 778,87 euros résultant de la quatrième facture de la société Gom Propreté avec la somme de 26 905,05 euros résultant du titre de perception émis par l’établissement public pour le paiement de la redevance d’occupation domaniale. Par un arrêt du 30 novembre 2017, contre lequel l’établissement Paris La Défense, venu aux droits de l’établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense, se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce jugement et condamné l’établissement public à verser à la société Gom Propreté la somme de 589 393,33 euros TTC, de laquelle il conviendra de déduire, le cas échéant, la provision de 25 778,87 euros qui lui a été accordée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 décembre 2014.
Le Conseil d’Etat rappelle que l’article 34.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977, prévoit que : Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l’objet de la part du titulaire d’un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu.
L’apparition d’un différend, au sens de ces stipulations, entre le titulaire du marché et l’acheteur, résulte, en principe, d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l’acheteur à la suite d’une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l’invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai.
En revanche, en l’absence d’une telle mise en demeure, la seule circonstance qu’une personne publique ne s’acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l’existence d’un différend au sens des stipulations précédemment citées.
En l’espèce, la cour administrative d’appel de Versailles a constaté que la société Gom Propreté, par un courrier du 7 août 2013, avait réclamé le paiement de factures , dont le règlement était devenu exigible, en notant que l’établissement public avait indiqué oralement qu’il entendait les » bloquer intégralement » et en faisant part de son intention de » contester immédiatement « , » si elle était avérée « , l’éventuelle compensation des sommes dues au titre de ces factures avec celles dues au titre de la redevance d’occupation domaniale. La cour a toutefois relevé le règlement, par l’établissement public, postérieurement à ce courrier du 7 août 2013, de la facture du 31 mars 2013, d’un montant de 232 148,46 euros, à concurrence de la somme de 218 998,14 euros. Elle a considéré que ce règlement avait pu légitimement laisser croire à la société Gom Propreté que l’établissement public n’entendait pas refuser le paiement de ses factures.
Or, en jugeant ainsi que le courrier du 7 août 2013, qui ne révélait pas une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur, ne caractérisait pas l’existence d’un différend au sens des stipulations précitées de l’article 34.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, la cour administrative d’appel de Versailles s’est, sans erreur de droit ni dénaturation, livrée à une appréciation souveraine des faits de l’espèce.
Enfin, en déduisant que le mémoire de réclamation, bien qu’adressé par la société Gom Propreté le 16 décembre 2013, soit plus de trente jours après ce courrier, n’était pas tardif, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.