Contrats publics : Précisions sur l’indemnisation du candidat évincé en cas de reconduction du contrat (CE, 2 décembre 2019, n°423936)

Par un récent arrêt, le Conseil d’Etat précise l’indemnisation auquel a droit un candidat irrégulièrement évincé dans le cas où le contrat convoité était susceptible de reconduction.

En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des marchés publics le 4 juin 2015, le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché public ayant pour objet la fourniture de tous éléments bruts ou cuisinés et produits consommables et l’exécution d’une mission d’assistance technique aux opérations de restauration, pour un nombre de repas annuel prévisionnel de 390 000 et pour une durée de douze mois renouvelable deux fois à compter du 1er septembre 2015.

Quatre sociétés, dont la société Sogeres et la société Valeurs Culinaires, ont présenté des offres.

Par un courrier électronique du 31 juillet 2015, la société Valeurs Culinaires a été informée qu’elle avait été classée en deuxième position et que le marché avait été attribué à la société Sogeres.

C’est ainsi que la société Valeurs Culinaires a saisi le tribunal administratif d’Orléans de conclusions tendant à l’annulation du marché conclu le 11 août 2015 entre le groupement sanitaire et la société Sogeres et à la condamnation du groupement sanitaire à lui verser la somme de 209 292,60 euros correspondant à son manque à gagner sur trois ans. Par un jugement du 16 février 2017, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande. La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 6 juillet 2018, a annulé ce jugement et condamné le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine à verser à la société Valeurs Culinaires une somme de 200 000 euros. Par une décision du 29 mars 2019, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, n’a admis les conclusions du pourvoi du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine dirigé contre cet arrêt qu’en tant seulement qu’il a prononcé sa condamnation à indemniser le manque à gagner de la société Valeurs Culinaires pour une durée supérieure à douze mois.

Le juge rappelle que lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général.

Lorsqu’il est saisi par une entreprise qui a droit à l’indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l’attribution d’un marché, il appartient au juge d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l’objet d’une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période d’exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d’éventuelles reconductions.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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