En l’espèce, le 28 décembre 2006, plusieurs personnes ont constitué la société civile immobilière de la Brie (la SCI) en vue de l’acquisition d’un terrain sur lequel devait être édifié un immeuble à usage industriel et de bureaux. Par acte authentique du 11 juillet 2008, les sociétés OSEO financement, devenue Bpifrance financement, CMCIC lease, Natiocrédibail et Fortis lease ont conclu avec la SCI un contrat de crédit-bail destiné à financer l’acquisition du terrain et la construction de l’immeuble. Un avenant a été conclu également par acte authentique du 4 décembre 2009 destiné à financer la réalisation de travaux supplémentaires, garanti par un engagement de caution solidaire souscrit par M. B… X…, gérant de la SCI. Cependant, la SCI, s’est retrouvée défaillante. Une ordonnance de référé du 6 septembre 2013 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat. En conséquence, la SCI et ses associés ont assigné les crédits-bailleurs en responsabilité pour manquement à leur devoir de mise en garde et de conseil lors de la conclusion du crédit-bail et de son avenant. Finalement, la SCI a été mise en liquidation judiciaire, les crédits-bailleurs ont appelé le liquidateur en intervention forcée et demandé reconventionnellement la fixation de leur créance au passif de la SCI, ainsi que la condamnation des associés et de la caution à leur payer les sommes dues à la suite de la résiliation du crédit-bail.
La Cour de cassation rappelle que seules les personnes non averties peuvent bénéficier du devoir de mise en garde et que le caractère averti d’une personne morale s’apprécie, lors de la conclusion du contrat, en la personne de son représentant. Or, M. B… X… avait créé le groupe Bergame en 1993 et était le dirigeant de toutes les sociétés de ce groupe, dont il connaissait la situation et les perspectives de développement, il avait choisi le terrain, décidé des travaux et de l’opération dans son ensemble, il avait auparavant réalisé une opération d’acquisition à effet de levier, dite de Leveraged by out (LBO), pour procéder au rachat d’une société en 2001, avant de réaliser une autre opération de croissance externe en 2005, il avait également déjà procédé à des financements similaires et disposait de connaissances et d’une expérience avérées dans le domaine de la gestion, lui permettant d’appréhender le crédit contracté ainsi que la teneur et la portée de ses propres obligations en qualité de caution. Ainsi, la cour d’appel en a souverainement déduit que M. B… X… était un emprunteur et une caution avertis et a , par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ces chefs.
Les consorts X considéraient que lorsque le crédit-preneur est une société civile, au sein de laquelle chaque associé répond indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital social, le crédit-bailleur est tenu d’un devoir de mise en garde envers chaque associé non averti sur le risque d’endettement excessif qui résulte pour lui, pris individuellement, de l’opération. Cependant, en l’espèce, les associés du crédit-preneur, la SCI, soutenaient que les crédits-bailleurs avaient manqué à leur devoir de mise en garde à leur égard, en ce qu’ils étaient des associés non avertis incapables de faire face au risque financier résultant de l’octroi des crédits litigieux à la SCI. La Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel, en affirmant que seul le cocontractant du crédit-bailleur, à savoir la SCI, pouvait invoquer le manquement au devoir de mise en garde, a violé l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1857 du même code, le principe selon lequel le crédit-bailleur est tenu d’un devoir de mise en garde envers chacun des associés non avertis d’une société civile du risque d’endettement excessif qui résulte pour chaque associé de la conclusion du contrat de crédit-bail avec la société, et l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Enfin, la Cour de cassation a estimé que lorsque l’emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l’obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, et que le caractère averti de cet emprunteur s’apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.