La société Total raffinage France demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2019-570 du 7 juin 2019 portant sur la taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants, de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa du 2 du B du V de l’article 266 quindecies du code des douanes.Cet article dispose que « I.-Les redevables de la taxe intérieure de consommation prévue à l’article 265 sont redevables d’une taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants. / (…) III.-La taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants est assise sur le volume total, respectivement, des essences et des gazoles pour lesquels elle est devenue exigible au cours de l’année civile. / Le montant de la taxe est calculé séparément, d’une part, pour les essences et, d’autre part, pour les gazoles. / Ce montant est égal au produit de l’assiette définie au premier alinéa du présent III par le tarif fixé au IV, auquel est appliqué un coefficient égal à la différence entre le pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports, fixé au même IV, et la proportion d’énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l’assiette. Si la proportion d’énergie renouvelable est supérieure ou égale au pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports, la taxe est nulle. / (…) V.-A.-La proportion d’énergie renouvelable désigne la proportion, évaluée en pouvoir calorifique inférieur, d’énergie produite à partir de sources renouvelables dont le redevable peut justifier qu’elle est contenue dans les carburants inclus dans l’assiette, compte tenu, le cas échéant, des règles de calcul propres à certaines matières premières prévues aux C et D du présent V et des dispositions du VII. / L’énergie contenue dans les biocarburants est renouvelable lorsque ces derniers remplissent les critères de durabilité définis à l’article 17 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/ CE et 2003/30/ CE dans sa rédaction en vigueur au 24 septembre 2018″.
En vertu des dispositions du B du V du même article 266 quindecies du code des douanes, la part d’énergie issue de matières premières dont la culture et l’utilisation pour la production de biocarburants présentent un risque élevé d’induire indirectement une hausse des émissions de gaz à effet de serre neutralisant la réduction des émissions qui résulte de la substitution par ces biocarburants des carburants fossiles et dont l’expansion des cultures s’effectue sur des terres présentant un important stock de carbone, n’est pas prise en compte au-delà d’un seuil. Ce seuil est égal au produit entre, d’une part, la proportion de l’énergie issue des matières premières, répondant à cette définition, qui est contenue respectivement dans les gazoles et dans les essences en France métropolitaine en 2017, et, d’autre part, un pourcentage fixé à 100 % pour les années 2020 à 2023 et diminuant linéairement jusqu’à 0 % pour les années 2031 et suivantes. Toutefois, ce dispositif ne s’applique pas à l’énergie issue de ces matières premières lorsqu’il est constaté qu’elles ont été produites dans des conditions particulières qui permettent d’éviter le risque élevé d’induire indirectement une hausse des émissions de gaz à effet de serre neutralisant la réduction des émissions qui résulte de la substitution par ces biocarburants des carburants fossiles.
Or, la société requérante estime que ces disposition méconnaissent le principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de cette même Déclaration en ce que les produits à base d’huile de palme ne sont pas considérés comme des biocarburants.
Le Conseil d’Etat estime que le moyen tiré de ce que ces dispositions, en excluant les biocarburants fabriqués à partir d’huile de palme du bénéfice de la réduction du taux de la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburant, ne reposent pas sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif poursuivi. Il considère par conséquence que ces dispositions introduisent entre les biocarburants une différence de traitement qui n’est pas en rapport avec l’objectif que s’est assigné le législateur et qu’elles portent ainsi atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi. Le Conseil d’Etat juge ainsi que la question présente un caractère sérieux et décide de la renvoyer au Conseil constitutionnel.