Le rescrit juridictionnel et QPC

Cette nouvelle procédure instaurée par la loi ESSOC est soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.

Instaurée par l’article 54 de la loi ESSOC du 10 août 2018 et son décret d’application du 4 décembre 2018, la procédure de rescrit juridictionnel est actuellement expérimentée dans le ressort des tribunaux administratifs de Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy. Mais à peine en vigueur, cette nouvelle procédure voit sa constitutionnalité mise en doute par l’union syndicale des magistrats administratifs et le syndicat de la juridiction administrative qui, à l’appui de leur requête en annulation du décret du 4 décembre 2018, ont demandé au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 54 de la loi ESSOC. Ils ont, notamment, fait valoir que ces dispositions méconnaissaient  le principe de séparation des pouvoirs et portaient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et à l’équilibre des droits des parties, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Eu égard au caractère nouveau et sérieux de la question invoquée, le Conseil d’État  a décidé de la renvoyer au Conseil constitutionnel ( CE, 6 mai 2019, n° 427650).

Une telle démarche n’est pas étonnante, lorsque l’on se réfère à la genèse de la loi ESSOC. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État s’était penché sur les risques d’inconstitutionnalité du dispositif  (CE, avis, 23 nov. 2017, n° 393744) et son désamorçage avait été pris en compte lors des travaux parlementaires. Malgré cela, une difficulté résiduelle pourrait, peut-être, provenir du champ d’application de l’expérimentation finalement retenu, en ce que, au nombre des décisions administratives non réglementaires, la loi vise de façon globale celles prises sur le fondement du code de l’urbanisme et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de les préciser (L. 10 août 2018, art. 54, I, al. 2). Dans cette catégorie, le décret en question s’en est tenu aux DUP en matière de restauration immobilière et aux arrêtés préfectoraux créant les ZAC  (D. 4 déc. 2018, art. 2, 4° et 5°). Le Sénat avait signalé que le champ d’application visé par la loi en matière d’urbanisme était trop large, eu égard à la jurisprudence constitutionnelle et que le renvoi à un décret pour déterminer les décisions concernées pourrait constituer une méconnaissance par le législateur de sa compétence au profit du pouvoir réglementaire. Il avait, au demeurant, proposé de soustraire de l’expérimentation les décisions prises sur ce fondement du code de l’urbanisme « dans la mesure où ce droit comprend déjà certains dispositifs restreignant le droit au recours », mais cette proposition de modification n’avait pas été retenue.

Cette péripétie s’explique sans doute par le fait que la disposition du projet de loi relative au rescrit juridictionnel a souffert, dès son élaboration, d’un défaut d’ajustement précis de son champ d’application et de l’absence d’étude d’impact sur l’efficacité attendue du dispositif et son incidence sur le fonctionnement de la juridiction administrative.

Reste désormais à connaître le sort que réservera le Conseil constitutionnel à la question posée.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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