Marchés publics : intempéries, charge de travaux et éventuelles pénalités

Dans un arrêt du 28 mai 2009, la cour administrative d’appel de Nancy apporte des précisions sur les conséquences des intempéries ayant affecté la bonne exécution d’un marché de travaux.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

Commentaires

  1. Texte de l’arrêt : « Le : 17/11/2009

    Cour Administrative d’Appel de Nancy

    N° 07NC00409

    Inédit au recueil Lebon

    3ème chambre – formation à 3

    M. VINCENT, président

    M. Michel BRUMEAUX, rapporteur

    M. COLLIER, commissaire du gouvernement

    SOCIETE DUMONT BORTOLOTTI COMBES, avocat(s)

    lecture du jeudi 28 mai 2009

    REPUBLIQUE FRANCAISE

    AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

    Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2007, complétée par mémoire enregistré le 29 mai 2008, présentée pour la société TRIPÉ FENARD, dont le siège social est sis 62 rue Numa Gillet à Montigny-sur-Loing (77690), par la SCPA Dumont, Bortolli, Combes et associés ; la société TRIPÉ FENARD demande à la Cour :

    1°) d’annuler le jugement n° 0300709 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l’Aube à lui régler la somme de 60 146,59 euros, augmentée des intérêts moratoires, représentant les préjudices subis et le remboursement de pénalités infligées dans le cadre de l’exécution du marché relatif aux travaux d’élargissement et de renforcement de la

    RD 53 ;

    2°) de condamner le département de l’Aube à lui verser la somme en principal de 60 146,59 euros, augmentée des intérêts au taux légal ou contractuels ;

    3°) de mettre à la charge du département de l’Aube une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

    Elle soutient que :

    – les travaux de reprise qui ont été rendus nécessaires en raison des conditions climatiques défavorables lui ont occasionné un surcoût ;

    – l’augmentation du délai d’exécution lui a causé des dépenses supplémentaires ;

    – elle est fondée à demander une indemnité, en application des articles 16 et 17 du cahier des clauses administratives générales, en raison de la diminution de la masse des travaux ;

    – les pénalités de retard qui lui ont été appliquées ne sont pas justifiées ;

    Vu le jugement attaqué ;

    Vu les mémoires en défense, enregistrés les 21 juin 2007 et 9 avril 2009, présentés pour le département de l’Aube par Me Pugeault ; le département de l’Aube conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les moyens énoncés par la requérante ne sont pas fondés ;

    Vu l’ordonnance en date du 23 mars 2009 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l’instruction au 17 avril 2009 à 16 heures ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code des marchés publics ;

    Vu le code de justice administrative ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

    Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 mai 2009 :

    – le rapport de M. Brumeaux, président,

    – et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

    Considérant que, par un marché du 1er octobre 2001, le département de l’Aube a confié à la société TRIPÉ FENARD les travaux d’élargissement et de renforcement de la route départementale 53 entre Maraye-en-Othe et Bercenay-en-Othe pour un montant de 548 177,04 euros, soit 274 176,42 euros au titre de la tranche ferme et 274 000,62 euros au titre de la tranche conditionnelle ; que, dans son projet de décompte, la société requérante a réclamé une indemnité d’un montant de 60146,59 euros au titre des surcoûts résultant des conditions climatiques défavorables et de l’augmentation du délai d’exécution, de la diminution de la masse de travaux et en remboursement des pénalités de retard qui lui ont été infligées, que le maître d’ouvrage a refusé d’inclure dans le décompte général notifié à ladite société le 1er octobre 2002 ;

    Sur les conclusions indemnitaires :

    En ce qui concerne les conclusions relatives aux intempéries et à l’augmentation du délai d’exécution :

    Considérant qu’aux termes de l’article 10.11 2ème alinéa du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics : A l’exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n’étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d’exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s’exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent : (…..) de phénomènes naturels… ; qu’aux termes de l’article 19.22 du même document : dans les cas d’intempéries au sens des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, entraînant un arrêt de travail sur les chantiers, les délais d’exécution sont prolongés. Cette prolongation est notifiée à l’entrepreneur par un ordre de service qui en précise la durée, laquelle est égale au nombre de journées au cours desquelles le travail a été arrêté du fait des intempéries (…..) ; qu’enfin, aux termes de l’article 8-1 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché : Période de préparation- Programme d’exécution des travaux : il est fixé une période de préparation. Elle est comprise dans le délai d’exécution. Sa durée est de trente jours à compter du début de ce délai ;

    Considérant, en premier lieu, que l’acte d’engagement notifié le 25 juillet 2001 précise en son article 3 que chaque tranche de travaux comporte un délai d’un mois et quinze jours ; qu’en ce qui concerne la tranche ferme, l’ordre de service notifié le 3 octobre 2001 à l’entreprise TRIPÉ FENARD a fixé la date de début des travaux au 8 octobre 2001 ; que le délai contractuel d’exécution des travaux expirait ainsi le 23 novembre 2001 ; qu’au demeurant, le maître d’ouvrage avait, pour leur bonne réalisation, totalement interdit la circulation sur la section de voie en cause du 5 au 30 novembre 2001 en liaison avec le déroulement des travaux prévus ; que ce n’est que le 22 novembre 2001, lors d’une réunion de chantier, soit la veille du terme du délai d’exécution contractuel du marché, que l’entreprise TRIPÉ FENARD a présenté une demande d’arrêt de chantier en raison des conditions climatiques annoncées ; qu’il n’est pas établi ni même allégué que l’entreprise aurait rencontré des intempéries durant la période d’exécution contractuellement prévue ; que, par ailleurs, si le maître d’oeuvre a refusé le planning prévisionnel de travaux proposé par l’entreprise lors de la réunion de chantier du 15 novembre 2001 au motif qu’il dépassait de trois semaines le délai d’exécution prévu par le marché et si la demande de prolongation du délai des travaux de trois semaines présentée par l’entreprise le 28 novembre 2001 a été rejetée le 5 décembre 2001 par le maître d’ouvrage, de telles circonstances ne sauraient donner lieu à indemnisation, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que le non-respect du planning prévisionnel serait imputable au maître d’ouvrage ;

    Considérant, en second lieu, que si le maître d’ouvrage a, en cours de chantier, demandé à l’entreprise d’apporter des modifications aux travaux contractuellement prévus, relatives à une rectification très légère d’un virage sur 150 mètres, cette modification n’a entraîné aucune prestation supplémentaire en terme de terrassements et de matériaux ; que les constats dressés pour l’implantation des fossés, des busages et du réseau d’eau potable n’ont consisté qu’à formaliser des ajustements relevés lors d’opérations de piquetage antérieures sans correspondre à de nouveaux travaux ; qu’enfin les quantités supplémentaires mises en oeuvre pour réaliser l’allongement de l’ancrage sur la route départementale représentent une part négligeable de l’ensemble du chantier ; que ces modifications, qui n’ont présenté qu’un caractère mineur du point de vue technique et n’ont pas modifié sensiblement la masse des travaux, laquelle au demeurant a été réduite, n’ont pas eu une incidence significative sur le déroulement du chantier et sur le délai d’exécution des travaux et ne sauraient ainsi davantage ouvrir droit à indemnisation au profit de l’entreprise ;

    En ce qui concerne la diminution de la masse des travaux :

    Considérant qu’aux termes de l’article 16 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : Si la diminution de la masse des travaux est supérieure à la diminution limite définie à l’alinéa suivant, l’entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu’il a éventuellement subi du fait de cette diminution au-delà de la diminution limite / La diminution limite est fixée : (…) pour un marché sur prix unitaires, au cinquième de la masse initiale (…) ; qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article 17 du même document : Les stipulations qui précèdent ne sont pas applicables aux natures d’ouvrages pour lesquelles les montants de travaux figurant, d’une part, au détail estimatif du marché et, d’autre part, au décompte final des travaux sont l’un et l’autre inférieurs au vingtième du marché ;

    Considérant, en premier lieu, que si la société requérante fait valoir que les quantités exécutées au prix 3, 14 et 21 sont, en ce qui les concerne, respectivement en réduction de 61 %, 38 % et 100 % par rapport au marché initial, il résulte de l’instruction que la diminution globale de la masse des travaux est inférieure à la diminution limite de 20 % exigée par les stipulations précitées de l’article 16 du cahier des clauses administratives générales ;

    Considérant, en second lieu, qu’en se bornant à demander l’application des stipulations de l’article 17 du même document, la société requérante ne met pas la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu’auraient pu commettre les premiers juges en estimant que le changement dans l’importance des natures d’ouvrages dont elle se prévaut n’entrait pas dans le champ d’application de ces stipulations ;

    En ce qui concerne les pénalités de retard :

    Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, la date de début des travaux, fixée au 8 octobre 2001, a été notifiée à la société TRIPÉ FENARD par ordre de service du 3 octobre 2001 ; que si celle-ci soutient que cet ordre de service ne lui serait parvenu que le 10 octobre 2001, il ne saurait être reproché à l’administration d’avoir envoyé cet ordre de service à l’adresse indiquée sur le marché ; que cet ordre de service n’ayant par ailleurs fait l’objet d’aucune réserve dans le délai de quinze jours prévu à l’article 2.52 du cahier des clauses administratives générales, le maître d’ouvrage a pu régulièrement fixer le point de départ du délai d’exécution au 8 octobre 2001 ; que si l’entreprise requérante soutient ne pas avoir reçu un ordre formel de démarrage des travaux, le cahier des clauses administratives particulières n’exigeait pas la notification d’un ordre de service distinct au terme de la phase de préparation ; que si elle n’a pas obtenu le visa du maître d’oeuvre prévu à l’article 14 de ce dernier document pour commencer les travaux, c’est en raison de son propre retard à produire les documents contractuels préalables, et notamment le planning des travaux ; que, dans ces conditions, comme il a été dit plus haut, l’allongement du délai d’exécution des travaux n’est imputable ni à des conditions climatiques difficiles, ni au fait du maître de l’ouvrage et pas davantage au fait du maître d’oeuvre ;

    Considérant qu’il s’ensuit que la société TRIPÉ FENARD ne peut à bon droit faire valoir que des pénalités de retard ne pouvaient lui être infligées en raison d’un dépassement du délai d’exécution du marché de soixante-dix-sept jours ;

    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société TRIPÉ FENARD n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l’Aube à lui verser la somme de 60 146, 59 euros au titre de ses préjudices résultant de l’exécution du marché et des pénalités de retard qui lui ont été infligées ;

    Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

    Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de l’Aube, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société TRIPÉ FENARD la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société TRIPÉ FENARD une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de l’Aube et non compris dans les dépens ;

    DECIDE :

    Article 1er : La requête de la société TRIPÉ FENARD est rejeté.

    Article 2 : La société TRIPÉ FENARD versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au département de l’Aube au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

    Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société TRIPÉ FENARD et au département de l’Aube. »

Répondre à lemeilleuravocatAnnuler la réponse.