C.A.A de Bordeaux, 26 novembre 2024, n°23BX02609
Par son arrêt en date du 26 novembre 2024 n°23BX02609, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme la légalité du refus opposé par l’administration aux demandes de la société Compagnie minière Montagne d’Or de prolongation de ses deux concessions minières en raison de leurs atteintes sur l’environnement.
Cette décision est un exemple d’application de la décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la Constitution certaines des dispositions de l’article L. 144-4 du Code minier, dans sa version applicable au litige, mais seulement jusqu’au 24 août 2021, date d’entrée en vigueur de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
En l’espèce, la société Compagnie minière Montagne d’Or a, par deux courriers datés des 12 et 20 décembre 2016, demandé la prolongation de ses deux concessions aurifères, dénommées « Elysée » et « Montagne d’Or ». Le ministre de l’Économie et des Finances a implicitement rejeté ces demandes. Ce sont ces deux décisions de rejet implicite dont l’annulation a été demandée devant les juridictions administratives.
Pour rappel, ces deux concessions étaient initialement instituées pour une durée illimitée en vertu de deux arrêtés en date du 21 mai 1946 et du 14 juin 1948.
Ce caractère perpétuel a ensuite été remis en cause par les dispositions de l’article L. 144-4 du Code minier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011, qui prévoyait que les concessions minières devaient finalement expirer le 31 décembre 2018. Leur prolongation, pour une durée de 25 ans, était néanmoins de droit lorsque les gisements sur lesquels elles portent étaient encore exploités à cette date.
Ainsi, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l’administration prenne en compte les conséquences environnementales d’une telle prolongation avant de se prononcer. Le simple fait d’exploiter les gisements au 31 décembre 2018 suffisait pour bénéficier d’une prolongation d’exploitation.
Mais depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique, les dispositions des articles L. 114-3 du nouveau du Code minier prévoient que la demande de prolongation d’une concession est refusée si l’administration émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l’exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du même code, à savoir les « caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime (…) la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (…) la conservation des intérêts de l’archéologie (…) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l’exploitation ».
Ainsi, avant le 24 août 2021, date d’entrée en vigueur de la loi précitée, rien n’imposait à l’administration de prendre en compte les atteintes environnementales dans le cadre d’une demande de prolongation de concession minière.
C’était sans compter sur le Conseil constitutionnel qui, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’article L. 144-4 du code minier, a déclaré contraires aux articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement les dispositions de l’article L. 144-4 précité avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 en considérant que :
→ Celles-ci ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l’exploitation du gisement au 31 décembre 2018 ;
→ La décision de prolongation d’une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers et, au regard de son objet et de ses effets, est ainsi susceptible de porter atteinte à l’environnement ;
→ Avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, aucune disposition ne prenait en compte les conséquences environnementales de la prolongation d’une concession minière.
C’est pourquoi, au regard de ce nouveau cadre juridique, le Conseil d’Etat a renvoyé les affaires devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui est donc tenue d’examiner les conséquences environnementales des prolongations de concessions demandées par la société Compagnie minière Montagne d’Or (C.E., 19 octobre 2023, n°456736).
La Cour administrative relève que les concessions « Elysée » et « Montagne d’Or », représentant des surfaces de 24,82 km2 et 15,24 km2, sont situées dans la forêt équatoriale de Guyane qui constitue l’une des écorégions les plus riches du monde en termes de biodiversité, au sein d’une réserve biologique dirigée et entre deux massifs inclus dans la réserve biologique intégrale de Lucifer / Dékou – Dékou.
Elle souligne que ces deux massifs abritent une biodiversité exceptionnelle et que la zone présente d’importants enjeux de continuité écologique. Au regard de la nature extrêmement polluante et de l’importance de la dimension industrielle du projet, la cour juge qu’il présente un risque d’atteintes graves à l’environnement.
L’administration était donc fondée à refuser la prolongation des deux concessions.
Une nouvelle illustration de la portée normative de la Charte de l’environnement ainsi que de l’intervention salutaire du Conseil constitutionnel en droit de l’environnement.
