Loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement : zoom sur les évolutions contentieuses

La proposition de loi de « simplification du droit de l’urbanisme et du logement », portée par le député de la 3ᵉ circonscription d’Eure-et-Loir, Monsieur Harold Huwart, poursuit trois objectifs identifiés dans l’exposé de ses motifs :

simplifier les procédures à la charge des collectivités territoriales en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction ;

simplifier la délivrance des autorisations d’urbanisme et les renforcer ;

faciliter la production de logements abordables à destination des travailleurs, dans les territoires marqués par une ré‑industrialisation.

Dans sa quête de simplification de la délivrance des autorisations d’urbanisme, la proposition de loi va apporter des modifications significatives au contentieux de l’urbanisme.

Réduction du délai des recours administratifs et disparition de leur caractère suspensif


La proposition de loi insère un nouvel article L. 600-12-2 au sein du Code de l’urbanisme qui prévoit que le délai d’introduction d’un recours administratif ne sera que d’un mois sans qu’il ait pour effet de proroger le délai de recours contentieux.

Cette proposition se base sur le constat dressé par Monsieur Huwart selon lequel les recours administratifs (gracieux ou hiérarchiques) sont « instrumentalisés dans le cadre de manœuvres dilatoires » tendant seulement à retarder un contentieux qui devient systématique et a pour conséquence un allongement des délais pouvant aller jusqu’à quatre mois.

Mais la disparition du caractère suspensif du recours administratif revient à le priver de son intérêt essentiel, à savoir instaurer un espace de dialogue entre le tiers requérant et l’administration, tout en permettant la préservation de son droit à un recours contentieux. Si l’on constate parfois un allongement des délais, celui-ci résulte principalement du silence gardé par les collectivités, lesquelles ne répondent que de manière exceptionnelle aux recours gracieux qui leur sont adressés. Il ne saurait donc être soutenu que cette situation procède essentiellement de manœuvres dilatoires imputables aux tiers. 

Limitation de l’intérêt à agir contre les décisions d’approbation ou d’évolution des documents d’urbanisme


En l’état, les dispositions de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme limitent l’intérêt à agir d’une association à condition que le dépôt de ses statuts soit intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

La proposition de loi ajoutera un nouvel alinéa à cet article en prévoyant qu’un tiers – autre que l’État, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements – n’est recevable à agir contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution que s’il a pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée avant cette décision contestée.

Cela étant dit, la formulation «  a pris part à la participation du public » soulève un certain nombre d’interrogations  : est-ce qu’une participation active est nécessaire (via la formulation d’observations par exemple) ou une simple présence aux réunions est suffisante ? Si la formulation d’observations s’avérait être nécessaire, doivent-elles être en lien avec le recours ultérieur ?

Cette incertitude va probablement conduire à des contentieux sur l’interprétation de la recevabilité qu’il appartiendra au juge administratif de trancher, faute de précision du législateur.

Limitation de la substitution de motifs d’un refus d’autorisation d’urbanisme


La possibilité d’invoquer des motifs nouveaux tardivement entraîne la réouverture du débat contradictoire, la formulation de nouvelles observations et un report de l’audience.

Ainsi, dans sa lutte de réduction des délais contentieux, la réforme a enserré dans un délai de deux mois la possibilité pour l’Administration d’invoquer un nouveau motif de refus d’autorisation d’urbanisme à compter de l’enregistrement du recours ou de la demande ce qui fera l’objet d’un nouvel alinéa à l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme.

Son principal avantage est de renforcer la sécurité juridique de la situation du pétitionnaire qui connait rapidement les arguments opposés à son projet, ce qui facilite sa défense ou la régularisation éventuelle de son projet. Tout en évitant les manœuvres dilatoires de la part de l’Administration.

Une présomption d’urgence en cas de référé suspension à l’encontre d’une décision de refus d’autorisation d’urbanisme


Un nouvel article L.600-3-1 du Code de l’urbanisme disposera que : « Lorsqu’un recours formé contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir est assorti d’un référé introduit sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d’urgence est présumée satisfaite ». 

Ainsi, qu’il s’agisse de la délivrance ou du refus d’une autorisation d’urbanisme, l’urgence sera, dans tous les cas, présumée en cas de référé suspension.

Abrogation des dispositions de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme portant limitation des moyens de légalité externe invocables par la voie d’exception à l’encontre d’un document d’urbanisme


L’article L. 600‑1 du Code de l’urbanisme prévoit que « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’une carte communale ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause ».

Cette règle avait pour effet de rendre le contentieux de l’urbanisme plus favorable au requérant que le régime applicable en contentieux général dans le cadre de la voie d’exception. En effet, depuis une décision d’Assemblée du Conseil d’État en date du 18 mai 2018, Fédération des finances et des affaires économiques de la CFDT, les vices de forme et de procédure ne peuvent plus être invoqués à l’occasion d’un recours par voie d’exception contre un acte réglementaire, ni dans le cadre d’un recours contre le refus de l’abroger (C.E., 18 mai 2018, n°414583).

En abrogeant cette disposition, il ne sera donc plus possible d’invoquer un vice de forme ou de procédure à l’encontre d’un document d’urbanisme par la voie d’exception en raison de la jurisprudence CFDT Finances.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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