Naviguer entre règles et liberté : l’interdiction du jet-ski sur le plan d’eau

Un arrêté préfectoral, loin de porter atteinte au principe d’égalité, a établi une interdiction spécifique concernant la pratique du jet-ski sur un plan d’eau durant les week-ends et jours fériés de la période estivale. Cette interdiction est mise en place, même si d’autres activités nautiques motorisées restent autorisées.

Le 27 avril 2023, le préfet du Jura a pris une décision audacieuse en limitant la pratique des activités sportives impliquant des véhicules nautiques à moteur sur la retenue d’eau du barrage de Vouglans. Plus précisément, l’arrêté a mis en place une interdiction de la pratique du jet-ski les samedis, dimanches et jours fériés des mois de juillet et août. Cependant, cette interdiction ne s’applique pas lorsque le jet-ski est pratiqué dans le cadre d’une initiation ou d’une randonnée organisée par des professionnels, conformément aux conditions disposées par l’arrêté.

Il est important de rappeler que le préfet de département a le pouvoir de réglementer la pratique des sports nautiques par le biais d’arrêtés portant règlement particulier de police de la navigation sur les cours d’eau et plans d’eau du département. Ce pouvoir est exercé sans préjudice des dispositions de l’article L. 214-12 du Code de l’environnement et de l’exercice par le maire des pouvoirs de police prévus par l’article L. 2213-23 du Code général des collectivités territoriales.

La Fédération française de motonautisme a contesté cet arrêté, arguant notamment que le préfet n’a pas pris en compte ses observations ainsi que celles des professionnels du motonautisme avant de mettre en place la réglementation en question. La Fédération a également soutenu que cette réglementation aurait dû être précédée d’une étude d’impact et qu’elle introduit une différence de traitement injustifiée et disproportionnée entre les utilisateurs de véhicules nautiques à moteur de type jet-ski et les pratiquants de ski-nautique ou de wakeboard. En outre, la Fédération a affirmé que l’arrêté prévoit, de fait, une interdiction générale et absolue de la pratique du jet-ski.

Cependant, le tribunal a rejeté la requête de la Fédération en soulignant que ni le Code des transports, ni aucune disposition législative ou réglementaire n’imposent au préfet qui adopte un règlement particulier de police de recueillir l’avis des professionnels et associations concernés ou de répondre à toutes les demandes spontanément adressées au préfet lors de l’élaboration de ce règlement. De plus, l’adoption d’un tel règlement n’est pas subordonnée à la réalisation préalable d’une étude d’impact.

Le tribunal a ensuite écarté l’argument de la violation du principe d’égalité. Il a rappelé que ce principe ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

Selon le tribunal, la réglementation contestée est justifiée dans la mesure où le plan d’eau connaît une forte affluence en été, ce qui peut créer des conflits d’usage entre les différentes catégories d’usagers. Il a également été relevé que les jets-ski peuvent atteindre des vitesses supérieures à 60 km/heure et adopter des trajectoires difficiles à anticiper, ce qui peut représenter un danger pour les baigneurs et les autres usagers, ce qui n’est pas le cas des autres activités nautiques motorisées.

Enfin, le tribunal a logiquement considéré que l’interdiction édictée, limitée aux week-ends et jours fériés durant les deux mois d’été, n’a pas pour effet d’interdire de manière générale et absolue la pratique du jet-ski, même si la période estivale est la plus propice à cette pratique (TA Besançon, 30 mai 2024, n° 21431).

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
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Reconnu en droit de l'urbanisme
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