L’association nationale pour la préservation et l’amélioration de la qualité de l’air (association » RESPIRE « ) a introduit une requête en référé-liberté devant le juge des référés du Conseil d’Etat, aux fins de constater la carence de l’Etat à réduire les épandages agricoles et les autres activités agricoles polluante et d’enjoindre au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et, le cas échéant, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de modifier les conditions d’application de l’arrêté du 7 avril 2016 relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant pour rendre obligatoire et d’application immédiate jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire, les recommandations et dispositions réglementaires fixées dans son annexe.
L’association RESPIRE demande au juge des référés de faire application de l’article 8 de l’arrêté du 7 avril 2016 relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant, permettant au représentant de l’Etat, lorsqu’il est informé d’un épisode de pollution par l’organisme agréé de surveillance de la qualité de l’air, de mettre en oeuvre les actions d’information et de recommandation, et le cas échéant les mesures réglementaires de réduction des émissions polluantes, conformément aux articles 9 à 14.
Le juge des référés précise que, du 25 septembre 2017 au 15 avril 2020, 237 arrêtés préfectoraux mettant en place des mesures prévues dans le cadre d’un dépassement des seuils de pollution ont été pris, dont 227 comportaient des mesures relatives aux pratiques agricoles. Au cours de la période du 15 mars au 14 avril 2020, dans un contexte général de forte réduction des pollutions issues de l’activité industrielle et par les transports en raison des mesures de confinement de la population prises dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19, il a été relevé un total de 18 dépassements du seuil d’information et de recommandation pour les particules PM10, dépassements répartis sur 9 régions (4 dépassements dans les Hauts-de-France et en Normandie, 2 dépassements en Bretagne, en Corse et en Guyane, 1 dépassement en Bourgogne-Franche Comté, en Nouvelle Aquitaine et en Ile-de-France) mais aucun dépassement du seuil d’alerte, contrairement à ce qui avait pu être observé pendant la même période au cours de l’année 2019 où l’on avait compté un dépassement du seuil d’alerte, outre 21 dépassements du seuil d’information et de recommandation. L’administration souligne que les préfets continueront à prendre, conformément à l’arrêté du 7 avril 2016, les mesures nécessaires en cas de dépassement des seuils.
Pour faire valoir que ce dispositif serait insuffisant dans le contexte de l’épidémie de covid-19, l’association requérante avait produit des études scientifiques dont elle soutenait qu’elles établissaient l’existence d’un lien entre la pollution de l’air, en particulier par les particules PM10 et PM2,5, et le développement des maladies respiraroires en général et du covid-19 en particulier. Il s’agit en particulier d’une étude chinoise publiée le 20 novembre 2003 portant sur la pollution de l’air et la mortalité due au SRAS en République populaire de Chine, d’une étude américaine datée du 5 avril 2020 analysant les conséquences d’une exposition prolongée aux particules PM2,5 sur la gravité de l’épidémie de covid-19 aux Etats-Unis et d’une étude italienne réalisée en avril 2020 sous l’égide des universités de Bologne et de Bari ainsi que de la SIMA (Società Italiana di Medecina Ambientale) examinant le lien entre les dépassements répétés des seuils de pollution survenus en Lombardie entre le 10 et le 29 février 2020 et la gravité de l’épidémie de covid-19 dans cette région d’Italie à compter du 3 mars 2020.
Cependant, le Conseil d’Etat rejette l’ensemble de ces moyen en considérant, s’agissant de l’étude chinoise qu’elle concernait la pollution de l’air en général et non la pollution aux seules particules PM10 et PM2,5, s’agissant de l’étude américaine, qu’elle portait sur les conséquences d’exposition aux particules à long terme et enfin s’agissant de l’étude italienne qu’elle n’avait pas encore fait l’objet d’une publication par une revue scientifique dotée d’un comité de lecture, mais qu’elle concernait les effets de dépassements du seuil correspondant au seuil d’information et de recommandation de l’arrêté du 7 avril 2016, dépassements qui conduiraient s’ils survenaient en France, à l’application du dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016 qui concerne précisément, ainsi qu’il a été dit, les mesures à prendre pour limiter la survenue et la durée de ces dépassements.
Le conseil d’Etat rejette la requête de l’association non sans rappeler qu’il incombe à l’administration d’assurer une surveillance quotidienne des niveaux de pollution à la fois au plan central et au plan local, de faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire en veillant à ce que soit pris, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes, l’activité agricole demeurant, en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l’industrie et aux transports, la principale source d’origine humaine d’émission de particules PM10 et PM2,5 avec celle provenant du secteur résidentiel, à plus forte raison dans la période actuelle d’épandage.
Cependant, le juge a estimé qu’en l’état actuel des choses, l’abstention de l’Etat à prendre, hors des hypothèses prévues par l’arrêté du 7 avril 2016, des mesures de réduction des activités agricoles susceptibles d’émettre des particules PM10 et PM2,5 ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale aux droits au respect à la vie et à la protection de la santé.