L’ASN, lors de la diffusion de son rapport annuel, a précisé qu’elle estime que la sûreté de l’exploitation des grandes installations nucléaires s’est globalement maintenue à un niveau satisfaisant. De plus, le dialogue technique avec les exploitants a permis « un approfondissement suffisant des dossiers traités au regard des enjeux de sûreté et de radioprotection ».
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté le 16 mai dernier à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2018.
Ont notamment été abordés la politique énergétique et prolongation des réacteurs de 900 MWe, les moyens humains et financiers des différents acteurs de la filière nucléaire, la sûreté des installations et la capacité à fonctionner face aux épisodes récurrents de sécheresse et de canicule liés au réchauffement climatique.
L »ASN a noté que la démarche d’analyse de la cohérence du cycle du combustible a fait l’objet, selon le rapport, d’une « forte mobilisation de la part des exploitants et a permis d’aboutir à une vision globale, actualisée et anticipatrice des enjeux de sûreté et des besoins en capacité d’entreposage des combustibles usés ».
Pour l’ASN, »les exploitants sont conscients que la maîtrise du vieillissement des installations et des opérations de maintenance, ainsi que la conformité des installations à leur référentiel de sûreté, restent à améliorer« .
Chez l’ensemble des exploitants, la reprise et le conditionnement des déchets anciens, ainsi que les opérations de démantèlement, rencontrent encore des difficultés qui conduisent soit à des retards, soit à des changements de stratégie au bout de plusieurs années d’étude. Dans ces domaines, « une vigilance particulière doit être portée aux facteurs clés que sont la gestion de projet et les moyens attribués à la réalisation des opérations ».
Concernant l’EPR de Flamanville, l’Autorité souligne qu’EDF a encore « un travail significatif à réaliser avant le chargement du combustible dans le réacteur pour justifier la conformité de l’installation à son référentiel de sûreté. En effet, la construction et la fabrication de ses équipements connaissent de nombreuses difficultés, essentiellement dues à une perte d’expérience dans la réalisation de grands chantiers »
Pour le président de l’Autorité, les points de vigilance suivants ont été repérés :
- le conditionnement des déchets et les opérations de démantèlement des installations arrêtées connaissent de nombreuses difficultés, d’importants retards, démontrant les insuffisances d’EDF, d’Orano et du CEA en termes de gestion de projet ;
- la perte de qualité des opérations de maintenance et le vieillissement de installations (avec notamment le report du remplacement d’installations qui sont très éloignées des standards actuels de sûreté), et le vieillissement de La Hague.
- des non‑conformités matérielles affectant un colis. Elles n’ont cependant pas eu de conséquences réelles sur la radioprotection des personnes ou sur l’environnement mais ont affaibli la résistance du colis (que l’accident survienne ou pas) ;
- le non‑respect des procédures internes conduisant à expédier des colis non‑conformes, à des erreurs de livraison ou à des pertes momentanées de colis.
« Face aux aléas, face au vieillissement des installations ou à la découverte possible d’un défaut non identifié jusqu’alors, les exploitants doivent veiller à garder des marges suffisantes pour la sûreté et ne pas chercher à les réduire dans une logique d’optimisation ou de justification du maintien en l’état ». L’Autorité rappelle qu’elle se doit de rester vigilante sur ce point.
La filière nucléaire « doit se mobiliser pour le maintien et le développement des compétences industrielles clés indispensables à la qualité des réalisations et à la sûreté des installations ».
Le rapport rappelle que des difficultés ont été rencontrées, lors de la réalisation d’opérations industrielles classiques (soudures, travaux électromécaniques, génie civil ou encore contrôles non destructifs), et ce durant la construction de nouvelles installations et de travaux sur des installations en fonctionnement. Ces difficultés ont fait « naître un doute sur les capacités de la filière à réaliser, avec le niveau de qualité attendu, les travaux d’ampleur liés à la poursuite de fonctionnement des installations existantes, au démantèlement ou à la construction de nouveaux réacteurs ». Pour l’Autorité, « un besoin de ressaisissement collectif et stratégique de la filière autour de la formation professionnelle et des compétences industrielles d’exécution est nécessaire pour atteindre le niveau de qualité et de sûreté attendu du secteur nucléaire.
L’Autorité précise ici que deux possibilités sont envisageables par EDF : la remise à niveau des soudures ou le renoncement de l’exclusion de rupture pour ces soudures impliquant l’adaptation du réacteur.
Selon le rapport, et comme le recommande la Cour des Comptes, vu les enjeux de sûreté, « le budget de l’ASN devrait être préservé des régulations budgétaires annuelles ». En outre, l’Autorité fait face à une sous-dotation de ses ressources budgétaires en crédit de personnel, ne tenant pas compte des recrutements faits ces dernières années. Enfin, l’ASN demande « la création d’un programme budgétaire dédié au contrôle de la sûreté et de la radioprotection, directement placé sous la responsabilité du président de l’ASN ».
Avec un volume d’inspections constant de 1 800 par an, l’Autorité recentre ses inspections « sur les activités présentant les enjeux les plus forts. Ensuite, elle accentue sa présence sur le terrain. Enfin, elle adapte ses méthodes d’inspection, en particulier aux situations de fraudes éventuelles ».