Contrats publics : Demande indemnitaire du candidat évincé à l’issue d’une procédure irrégulière (28 février 2020, n°426162)

En l’espèce, la commune de Saint-Benoît a, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 30 juillet 2013, lancé une procédure ouverte de passation d’une convention de délégation de service public pour la gestion de son service de restauration municipale.

Par une lettre du 2 décembre 2013, la société Régal des Iles a été informée par le maire de cette commune que son offre n’avait pas été retenue. C’est ainsi que la société a présenté devant le tribunal administratif de La Réunion un recours en contestation de la validité de ce contrat, conclu le 8 janvier 2014 par la commune de Saint-Benoît avec la société SOGECCIR, assorti d’une demande indemnitaire d’un montant de 8 758 890 euros en réparation de son préjudice résultant, d’une part, de son manque à gagner sur dix ans et, d’autre part, des frais engagés pour la présentation de son offre.

En première instance, le tribunal administratif de La Réunion, après avoir requalifié le contrat litigieux en marché public et estimé que celui-ci était affecté de plusieurs vices présentant un caractère d’une particulière gravité, a prononcé la résiliation du contrat à compter du premier jour du sixième mois suivant la notification du jugement et rejeté le surplus de sa demande.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel principal et l’appel incident formés contre ce jugement, respectivement, par la commune de Saint-Benoît et la société Régal des Iles. Cette dernière se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il a rejeté ses conclusions d’appel incident tendant à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 8 758 890 euros.

Le Conseil d’Etat rappelle le principe d’indemnisation du candidat évincé de manière irrégulière :  » Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général.

Autrement dit, le candidat évincé n’a droit à l’indemnisation de son manque à gagner, uniquement lorsqu’il avait des chances sérieuses de remporter le contrat et que la personne publique n’a pas renoncé à conclure ledit contrat en raison d’un motif d’intérêt général.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que la Cour administrative d’appel n’avait pas dénaturé les pièces du dossier en estimant, pour rejeter les conclusions indemnitaires de la société au titre des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre, que le recours irrégulier à la procédure de passation des délégations de service public par la commune n’était pas susceptible d’avoir eu une incidence sur l’éviction de la société et que celle-ci était dépourvue de toute chance d’obtenir ce marché.

Les juges du fond apprécient souverainement 1) si l’irrégularité commise a fait perdre au candidat évincé de l’attribution d’un contrat public une chance d’emporter le contrat, lui ouvrant un droit au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre, et 2) si cette chance était sérieuse, lui ouvrant ainsi un droit à être indemnisé de son manque à gagner.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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