Précisions sur la discipline des géomètre-experts (CE 25 septembre 2019, n°414748)

Par une décision du 25 septembre 2019, le Conseil d’Etat a reconnu que tout manquement déontologique commis par un géomètre-expert dans l’exercice de ses fonctions, y compris à l’occasion d’une expertise judiciaire, est susceptible d’être sanctionné par l’instance disciplinaire de cet ordre professionnel.

En l’espèce, Mme D…, géomètre-expert, a été désignée comme expert par le tribunal d’instance d’Alès dans le cadre d’une demande en bornage judiciaire présentée par M. B… C…. Par un jugement du 5 octobre 2006, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 24 janvier 2008, le tribunal a validé les conclusions du rapport. Cependant, M. C… a porté plainte contre Mme D… devant le conseil régional de l’ordre des géomètres-experts de Montpellier, à la suite de la mise en place par l’intéressée de bornes visant à matérialiser les limites de la propriété en exécution du jugement du 5 octobre 2006.

C’est ainsi que par une décision du 20 juin 2014, la formation disciplinaire du conseil régional de l’ordre des géomètres-experts de Montpellier a infligé à Mme D… la sanction de blâme. Par une décision du 17 novembre 2015, contre laquelle M. C… se pourvoit en cassation, la formation disciplinaire du Conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts a, sur appel de Mme D…, annulé la décision du conseil régional de Montpellier et rejeté la plainte de M. C.

Le Conseil d’Etat rappelle la règle selon laquelle tout manquement aux devoirs de la profession rend son auteur passible d’une sanction disciplinaire. Les poursuites sont intentées auprès du conseil régional soit par le commissaire du gouvernement, soit d’office, soit sur plainte des intéressés.

Les peines disciplinaires sont :

  • 1° L’avertissement ;
  • 2° Le blâme ;
  • 3° La suspension pour une durée maximum d’une année ;
  • 4° La radiation du stage ou du tableau qui implique l’interdiction d’exercer la profession de géomètre-expert.

De plus les experts géomètres doivent agir selon les règles de l’honneur, de la probité et de l’éthique professionnelle. Il doit agir avec conscience professionnelle et selon les règles de l’art.

Enfin, la surveillance exercée par le conseil régional  s’étend à l’ensemble de l’activité professionnelle des géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts, notamment en matière d’application des règles de l’art, de respect de la déontologie. Elle vise à contrôler le respect des règles applicables à la profession.

La loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires dispose que toute contravention aux lois et règlements relatifs à sa profession ou à sa mission d’expert, tout manquement à la probité ou à l’honneur, même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui lui ont été confiées, expose l’expert qui en serait l’auteur à des poursuites disciplinaires. (…) / (…) / Les peines disciplinaires sont : 1° L’avertissement ; / 2° La radiation temporaire pour une durée maximale de trois ans ; / 3° La radiation avec privation définitive du droit d’être inscrit sur une des listes prévues à l’article 2, ou le retrait de l’honorariat. / Les poursuites sont exercées devant l’autorité ayant procédé à l’inscription, qui statue en commission de discipline. Les décisions en matière disciplinaire sont susceptibles d’un recours devant la Cour de cassation ou la cour d’appel, selon le cas. (…) « .

Le Conseil d’Etat estime, au regard de ces dispositions, d’une part,  que  les géomètres-experts inscrits sur liste  sont susceptibles de faire l’objet de poursuites devant les juridictions judiciaires statuant en formation disciplinaire, en raison de manquements aux règles de leur profession, à l’honneur ou à la probité. Les sanctions disciplinaires prononcées à ce titre sont spécifiques et visent à garantir le bon fonctionnement de la justice. D’autre part, la loi du 7 mai 1946 instituant l’ordre des géomètres-experts soumet les géomètres-experts à l’obligation de respecter en toutes circonstances un ensemble d’obligations légales, réglementaires et déontologiques qui constitue un corps de règles propre à cette profession. Ces sanctions sont d’une nature différente de celles infligées dans le cadre de la procédure disciplinaire visant les experts judiciaires et ne sauraient être prononcées par d’autres autorités disciplinaires que celles instituées par la loi du 7 mai 1946.

En conséquence,  tout manquement déontologique commis par un géomètre-expert dans l’exercice de ses fonctions, y compris à l’occasion d’une expertise judiciaire, est susceptible d’être sanctionné par l’instance disciplinaire de cet ordre professionnel. Dès lors, en jugeant qu’il n’appartient pas à la juridiction ordinale de connaître des conditions dans lesquelles un géomètre-expert exécute une mission que lui a confiée le juge civil, si ce n’est dans le cas où seraient en cause des manquements détachables de la procédure judiciaire, le Conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts a entaché sa décision d’une erreur de droit.

 

 

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

Laisser un commentaire