Marché à forfait : interprétation stricte de l’article 1793 par la Cour de cassation

La Cour de cassation a, dans une récente décision, jugé qu’entreprise qui a contracté pour un prix global forfaitaire doit supporter le coût des travaux supplémentaires nécessaires à la bonne exécution de son marché (Cass. 3e civ., 18 avr. 2019, n° 18-18.801, n° 337 FS-P+B+I)

Par un arrêt de principe prononcé le 18 avril dernier, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, gardienne de la stricte interprétation de l’article 1793 du code civil relatif au marché à forfait, confirme sa jurisprudence rigoureuse sur l’application de cette disposition. Cette décision devrait inciter les entreprises à une plus grande vigilance dans la rédaction de leurs documents contractuels.

Dans cette affaire, un entrepreneur chargé du lot « gros oeuvre-démolition » pour un prix forfaitaire global dans le cadre de travaux de rénovation d’une agence bancaire avait assigné en paiement le maître de l’ouvrage au titre des travaux supplémentaires de déroctage qu’il avait été amené à effectuer. Les juges d’appel avaient accueilli sa demande, considérant que l’intangibilité du prix ne pouvait être invoquée que pour les travaux que l’entrepreneur s’était engagé à réaliser, c’est-à-dire ceux exclusivement définis dans les plans et documents contractuels. Ils avaient jugé que le devis quantitatif qui limitait les travaux à la « démolition du plancher béton sur sous-sol », excluait les travaux de déroctage, bien que ceux-ci se soient avérés indispensables lorsqu’après démolition, il était apparu que le plancher reposait non pas sur un sous-sol comme l’avait indiqué par erreur l’architecte, mais sur une assise rocheuse compacte. Ils en avaient conclu que ces travaux, non prévus dans le marché à forfait, devaient être payés par le maître de l’ouvrage.

La Haute juridiction casse l’arrêt pour violation de l’article 1793 du code civil en énonçant expressément, pour la première fois semble-t-il, le principe déduit de cet article selon lequel « en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage ».  Les juges d’appel ne pouvaient donc faire droit à la demande de paiement formée par l’entrepreneur au titre des travaux supplémentaires de déroctage, alors qu’ils avaient relevé que ces travaux étaient indispensables pour permettre l’abaissement de la dalle et le respect de la réglementation d’accessibilité aux personnes handicapées.

Cet arrêt vient consacrer un principe qui ressortait de décisions anciennes. Il était, en effet, déjà acquis que le manque de prévision de l’entrepreneur n’était pas de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat. Un arrêt d’appel avait ainsi été censuré pour avoir retenu le caractère imprévisible de certains travaux non prévus dans le marché initial alors que ces travaux étaient nécessaires à la réalisation de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 19 mai 2009, n° 08-14.107, n° 612 FD). Plus récemment, la Cour de cassation avait affirmé que les éléments indispensables à la sécurité de l’immeuble devaient être intégrés dans le marché forfaitaire initial (Cass. 3e civ., 8 juin 2005, n° 04-15.046, n° 696 FS – P + B).

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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