Guide en cas de doute sur la composition d’un déchet : réponse de la CJUE

En application du principe de précaution, en cas d’impossibilité de déterminer avec certitude la présence ou non de substances dangereuses dans un déchet, ce dernier doit être classé et traité comme un déchet dangereux. Préalablement, le détenteur doit réaliser une évaluation des risques aussi complète que possible. C’est ce qu’a considéré la Cour de justice de l’Union Européenne dans une décision du 29 mars dernier (CJUE, 28 mars 2019, aff. C-487/17 à C-489/17).

L’affaire se déroule en Italie et concerne une trentaine de gérants de décharges, de sociétés de collecte et de production de déchets ainsi que de sociétés chargées d’effectuer les analyses chimiques des déchets accusés de délits liés au traitement de déchets dangereux. En présence de déchets auxquels pouvaient être attribués des codes correspondant soit à des déchets dangereux, soit à des déchets non dangereux (on parle alors de classification sous « codes miroirs »), les prévenus les ont traités, par stockage, comme des déchets non dangereux, sur la base d’analyses chimiques non exhaustives et partielles.
Saisie par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a apporté des réponses à des questions préjudicielles liées :
– aux méthodes de caractérisation à employer lorsque la composition des déchets n’est pas connue ;
– au classement des déchets en cas d’impossibilité de déterminer la présence ou non de substances dangereuses dans ces derniers.
Pour rechercher des substances dangereuses, échantillonnage, analyse chimique et essais reconnus sont utilisés
Pour déterminer si un déchet est dangereux, son détenteur doit tenir compte de l’origine et de la composition de ce déchet et, le cas échéant, des valeurs limites de concentrations de substances dangereuses en application de l’article 7 de la directive-cadre sur les déchets de 2008.
Pour cela, il doit recueillir les informations susceptibles de lui permettre d’acquérir une connaissance suffisante de sa composition et donc de pouvoir lui attribuer le code déchet approprié. Faute d’obtenir ces informations, le détenteur du déchet risque de manquer à ses obligations en tant que responsable de la gestion de celui-ci, s’il s’avère, par la suite, que ce déchet a été traité en tant que déchet non dangereux, alors qu’il présentait une ou plusieurs des propriétés dangereuses énumérées à l’annexe III de la directive 2008/98.
Il existe différentes méthodes permettant de recueillir les informations permettant d’identifier l’éventuelle présence de substances dangereuses. Outre les méthodes indiquées sous la rubrique intitulée « Méthodes d’essai » de l’annexe III de la directive 2008/98, le détenteur des déchets peut, notamment, se référer :
– aux informations relatives au procédé de fabrication ou au processus chimique « générateur de déchets » ainsi qu’aux intermédiaires et aux substances qui entrent dans ce procédé ou ce processus, y compris des avis d’experts ;
– aux informations fournies par le producteur initial de la substance ou de l’objet avant sa mise au rebut, notamment les fiches de données de sécurité, les étiquettes du produit ou les fiches du produit ;
– aux bases de données des analyses des déchets au niveau des États membres ;
– à l’échantillonnage et à l’analyse chimique des déchets, si ces méthodes offrent des garanties d’effectivité et de représentativité.
Dès lors que le détenteur du déchet a réuni les informations sur la composition de ce déchet, il lui incombe de procéder à l’évaluation des propriétés dangereuses du déchet conformément à l’annexe, rubrique intitulée « Évaluation et classification » de la décision 2000/532, afin de pouvoir le classer soit sur la base du calcul des concentrations des substances dangereuses présentes dans ce même déchet et en fonction des valeurs seuils indiquées, pour chaque substance, à l’annexe III de la directive 2008/98, soit sur la base d’un essai, soit sur la base de ces deux méthodes. Dans ce dernier cas, ce sont les résultats de l’essai qui priment.
A cette fin, il peut utiliser des échantillonnages, des analyses chimiques et des essais prévus par le règlement (CE) n° 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, ou tout autre échantillonnage, analyse chimique et essai reconnus au niveau international.
La classification en tant que déchet dangereux s’impose
En matière de gestion des déchets, le législateur a souhaité mettre en balance, d’une part, le principe de précaution ainsi que, d’autre part, la faisabilité technique et la viabilité économique, de telle sorte que les détenteurs de déchets ne soient pas obligés de vérifier l’absence de toute substance dangereuse dans le déchet en cause, mais qu’ils puissent se borner à rechercher les substances pouvant être raisonnablement présentes dans ce déchet et évaluer ses propriétés dangereuses sur la base de calculs ou au moyen d’essais en rapport avec ces substances.
Remarque : cette interprétation est désormais corroborée par la communication de la Commission du 9 avril 2018 contenant des recommandations techniques concernant la classification des déchets.
Si après une évaluation des risques aussi complète que possible, le détenteur est dans l’impossibilité pratique de déterminer la présence de substances dangereuses ou d’évaluer les propriétés dangereuses présentées par un déchet relevant d’une entrée « miroir », le principe de précaution impose que le déchet soit classé en tant que déchet dangereux.
Une telle impossibilité pratique ne saurait découler du comportement du détenteur du déchet lui-même.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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