En matière d’urbanisme, le juge de cassation, sauf à méconnaître son office, doit censurer les motifs illégaux retenus par les juges du fond (CE, sect., 22 avr. 2005, n° 257877, Commune de Barcarès). Dans le prolongement de cette jurisprudence, la section du contentieux précise que lorsqu’il est « saisi d’un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d’illégalité d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus ». En l’espèce, le Conseil d’État retient que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en annulant l’arrêté litigieux alors que l’un des motifs était susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.
Réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction précise l’office du juge d’appel lorsqu’il est saisi d’un jugement par lequel un tribunal administratif a fait usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme et qu’une mesure de régularisation est intervenue.
Au préalable, il se prononce sur l’application immédiate, y compris aux instances en cours, de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme, issu de la loi ELAN du 23 novembre 2018. Pour la Haute juridiction, « en l’absence de disposition expresse y faisant obstacle, ces dispositions, qui conduisent à donner compétence au juge d’appel pour statuer sur une décision modificative ou une mesure de régularisation si celle-ci est communiquée au cours de l’instance relative à l’autorisation délivrée initialement, sont applicables aux instances en cours à la date de leur entrée en vigueur ».
Sur l’office du juge d’appel, il appartient à celui-ci « de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif. S’il estime qu’aucun des moyens dirigés contre ce permis, soulevés en première instance ou directement devant lui, n’est fondé, le juge d’appel doit annuler le jugement, rejeter la demande d’annulation dirigée contre le permis et, s’il est saisi de conclusions en ce sens, statuer également sur la légalité de la mesure de régularisation. Si au contraire, il estime fondés un ou plusieurs des moyens dirigés contre le permis initial mais que les vices affectant ce permis ne sont pas régularisables, le juge d’appel doit annuler le jugement en tant qu’il ne prononce qu’une annulation partielle du permis et annuler ce permis dans son ensemble, alors même qu’une mesure de régularisation est intervenue postérieurement au jugement de première instance, cette dernière ne pouvant alors, eu égard aux vices affectant le permis initial, avoir pour effet de le régulariser. Il doit par suite également annuler cette mesure de régularisation par voie de conséquence ».
Dans les autres cas, précise la haute juridiction, « c’est-à-dire lorsque le juge d’appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d’un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s’il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation. S’il constate que le permis ainsi modifié est toujours affecté d’un vice, il peut faire application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre sa régularisation ».
Il est à noter également que la section précise le contrôle que l’administration sur le dossier de demande de permis. Elle « peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d’assiette du projet, notamment sa surface ou l’emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l’environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d’urbanisme qui s’imposent à lui ». En revanche, « elle n’a à vérifier ni l’exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu’elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l’urbanisme, ni l’intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d’éléments établissant l’existence d’une fraude à la date à laquelle l’administration se prononce sur la demande d’autorisation ».