Garantie décennale : prudence quant au procédé déclaré (Cass. 3e civ., 30 janv. 2019, n° 17-31.121)

L’assureur en décennale ne doit pas sa garantie lorsque l’entrepreneur a réalisé les travaux suivant un autre procédé que celui déclaré au contrat d’assurance.

Les activités déclarées aux conditions particulières d’un contrat d’assurance en délimitent l’objet. L’entrepreneur ou l’artisan doit donc porter une attention toute particulière à ces clauses s’il ne veut pas courir le risque d’un refus de garantie pour cas de non-assurance. Ainsi, doit s’opérer un équilibre subtil entre les intérêts des assureurs et ceux des constructeurs. Jusqu’alors les juges, qui apprécient concrètement les activités garanties, adoptaient une conception élargie du champ d’application de l’assurance décennale. Il en résultait qu’un assureur ne pouvait pas refuser sa garantie en se fondant sur les modalités d’exécution de l’activité déclarée. L’objet du contrat primait sur le mode d’exécution des travaux (Cass. 3e civ., 10 sept. 2008, n° 07-14.884). Par deux arrêts de rejet la Cour de cassation entérine une interprétation plus stricte de l’activité déclarée (Cass. 3e civ., 8 nov. 2018, n° 17-24.488 ; Cass. 3e civ., 30 janv. 2019, n° 17-31.121), ce qui autorise l’assureur en décennale de refuser sa garantie si les travaux n’ont pas été réalisés selon le procédé déclaré par l’entrepreneur dans la police d’assurance. Le juge considère ainsi que « procédé », qui se distingue de la simple « modalité d’exécution » des travaux, constitue une activité à part entière en raison des techniques particulières nécessaires à sa mise en œuvre nécessitant des compétences spécifiques de la part du constructeur.
Cette nouvelle approche restreint le champ d’application de l’assurance décennale. Bien que le principe posé par le code des assurances soit respecté, la solution est rigoureuse pour l’entrepreneur. Encore faut-il, toutefois, que le procédé déclaré soit bel et bien une activité à part entière. À défaut, il ne s’agirait que d’une simple modalité d’exécution auquel cas la garantie de l’assureur serait étendue à l’objet du contrat. Les juges devront donc relever en quoi le procédé déclaré constitue ou non, à lui seul, une activité.
La rédaction de la clause d’activité déclarée revêt donc une importance primordiale. Suivant sa précision, l’assureur sera tenu de garantir soit un procédé particulier, soit l’ensemble des modalités d’exécution des travaux objets du contrat, ce qui couvrira notamment tous les procédés permettant la réalisation de ceux-ci. Les entrepreneurs auront ainsi intérêt à déclarer une activité large répondant à l’objet du contrat, alors que les assureurs privilégieront le recours à un procédé spécifique et exclusif pour circonscrire leur engagement.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

Commentaires

  1. Bonjour,
    Avant tout, merci pour vos informations sur l’évolution de la jurisprudence !
    Je trouve ces deux arrêts récents particulièrement dangereux pour les entrepreneurs, et malheureusement au bénéfice des assureurs. La prise en charge du risque est déjà une source fréquente de litige entre assureurs et assurés dans le domaine de la construction. Et ces litiges risquent de se multiplier car tout dépendra de l’interprétation par le juge du concept de procédé ou de modalité d’exécution…

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