Pour l’instant, il n’est possible de déroger qu’aux règles de sécurité-incendie et d’accessibilité

Le décret sur le « permis de faire » ne prévoit que deux champs de dérogation expérimentale. Un second texte devrait encadrer ceux relatifs à la performance énergétique, au réemploi des matériaux et aux caractéristiques acoustiques.

A peine la période de consultation publique achevée, le gouvernement a signé le 10 mai 2017 le décret qui réglemente le dispositif de dérogation, à titre expérimental, aux règles de construction d’équipements publics et de logements sociaux, mis en place par l’article 88, I, de la loi LCAP du 7 juillet 2016. Jusqu’au 7 juillet 2023, les personnes publiques et certains organismes (HLM, SEM et SPL) vont pouvoir tenter d’innover dans certaines techniques de construction grâce au « permis de faire » (ou « permis d’expérimenter ») qui est délivré par les ministres en charge de la construction et de l’architecture. Les dérogations sollicitées doivent permettre d’atteindre des résultats similaires aux objectifs sous-jacents aux règles auxquelles il est dérogé.
Comme le précise l’article 1er du décret, l’expérimentation n’est autorisée que si les équipements publics ou les logements sociaux constituent au moins 75 % de la surface de plancher du projet. Elle est cependant exclue à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dérogations possibles aux règles de sécurité-incendie et d’accessibilité
Alors que le texte soumis à consultation prévoyait cinq champs de dérogation aux règles de construction, le décret n’en a retenu pour l’instant que deux, à savoir les règles de sécurité-incendie et celles relatives à l’accessibilité des bâtiments neufs aux personnes handicapées. Le ministère de la culture a toutefois fait savoir dans un communiqué de presse en date du 12 mai qu’un second projet de texte portant sur les trois autres champs (réemploi des matériaux provenant de déchets issus de la démolition, performance énergétique et caractéristiques acoustiques) devait être transmis au Conseil d’État pour examen, avant le 14 mai. Il est donc recommandé aux maîtres d’ouvrage qui souhaitent demander un « permis de faire » incluant plusieurs catégories de dérogations d’attendre la parution du deuxième décret.
Résultats à atteindre en matière de sécurité-incendie
Les innovations architecturales proposées doivent permettre, en cas de sinistre, d’assurer une stabilité des éléments principaux de la structure, de limiter la propagation de l’incendie par les façades et des fumées à travers la construction, et de faciliter l’accès des secours et l’évacuation des personnes, notamment en situation de handicap.
Les résultats atteints sont attestés par une étude d’ingénierie. L’étude de résistance et de réaction au feu est réalisée par un bureau d’études et soumise à l’avis d’un laboratoire agréé tandis que celle liée au désenfumage est confiée à un organisme compétent en la matière.
Résultats à atteindre en matière d’accessibilité
Les règles d’accessibilité des constructions neuves aux personnes handicapées ou à mobilité reduite sont censées être respectées si l’expérimentation intègre des solutions d’effet équivalent venant se substituer aux normes réglementaires imposées. Les dérogations sollicitées pour cause d’impossibilité technique de mise en accessibilité peuvent également compléter le dossier de demande d’expérimentation.
Dans les deux cas, les autorisations sont données par les ministres en lieu et place du préfet.
Procédure d’instruction du « permis de faire »
La demande de dérogation est adressée aux ministres chargés de l’architecture et de la construction qui devront se prononcer sur la mise en place de l’expérimentation. Toutes les pièces, listées à l’article 4 du décret, nécessaires à l’instruction de la demande sont rassemblées dans un seul dossier. Elles portent sur la description du projet (plan, analyse du caractère innovant de la construction, etc.), ses conditions de réalisation (solutions alternatives, évaluation des risques induits, etc.) et le contrôle de sa réalisation (protocole de contrôle par une tierce partie indépendante).
Les ministres étudient le dossier après avis rendus par certains organismes sur le bien-fondé des solutions alternatives proposées et la maîtrise des risques et des coûts induits par l’expérimentation. Les personnes consultées sont des personnalités qualifiées dans les domaines de la sécurité-incendie et de l’accessibilité, la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité ainsi que le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE).
La décision des ministres est notifiée au maître d’ouvrage, sachant que leur silence gardé pendant les 6 mois à compter de la réception de l’intégralité du dossier vaut acceptation de la demande de dérogation.
S’il résulte des consultations que le dossier doit être complété de pièces permettant de lever tout doute sur la faisabilité du projet, le maître d’ouvrage doit les fournir aux ministres dans un délai qu’ils fixent. Le silence gardé pendant les 2 mois à compter de la réception de ces documents vaut alors acceptation de la demande.
Contrôle de la réalisation du projet.
L’article 5 du décret instaure une procédure de contrôle, en cours de chantier, afin de s’assurer que les résultats attendus en matière de sécurité-incendie et d’accessibilité sont bien atteints. Ce contrôle est réalisé par un tierce partie indépendante ayant signé une convention avec les ministères en question. Celle-ci transmet au moins une fois par an une attestation de contrôle de la construction comparant les résultats obtenus et les résultats attendus.
Si un écart significatif entre ces données est constaté, elle doit en informer sans délai les ministres. S’il s’avère que le projet risque finalement de compromettre l’efficacité  des dispositifs de sécurité et d’accessibilité du bâtiment, ceux-ci adressent alors au maître d’ouvrage une mise en demeure de se conformer à ses obligations. En l’absence de résultats satisfaisants, le projet devra se poursuivre, sur décision ministérielle, en appliquant scrupuleusement les normes auxquelles il était demandé de déroger.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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