La transparence s’impose dans l’attribution des titres domaniaux

A compter du 1er juillet 2017, l’octroi d’un titre d’occupation permettant l’exercice d’une activité économique sur le domaine public devra être précédé d’une procédure de publicité et de sélection des candidats potentiels. Les dérogations et assouplissements prévus sont toutefois nombreux.

L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques concrétise une réforme décisive de la gestion domaniale en soumettant  la délivrance de certains titres d’occupation à une obligation de mise en concurrence (Ord. n° 2017-562, 19 avr. 2017 : JO, 20 avr.). Le choix de l’occupant du domaine public sort ainsi du pouvoir discrétionnaire de son gestionnaire, conformément aux exigences communautaires de transparence (CJCE, 14 juil. 2016, aff. C-458/14 et C- 67/15, Promoimpresa Srl et Mario Melis e.a.) et aux objectifs de valorisation du domaine. Ces dispositions s’appliqueront aux titres d’occupation délivrés à compter du 1er juillet 2017 (Ord., art. 15).

Des procédures librement organisées pour les titres délivrés dans le champ concurrentiel

Un nouvel article L. 2122-1-1 fait son entrée dans le CGPPP pour déterminer l’étendue de ces nouvelles règles de procédure. Celles-ci ne s’appliqueront qu’aux autorisations « permettant à leur titulaire d’utiliser ou d’occuper le domaine public en vue d’une exploitation économique ». Il ne s’agit donc pas d’instituer une obligation générale de transparence mais de veiller à ce que l’administration, par sa gestion domaniale, ne fausse pas le jeu de la concurrence. D’emblée, cette limitation du champ de la procédure suppose, pour les gestionnaires, un travail de délimitation qui peut s’avérer délicat. A cet égard, notons que l’ordonnance assujettit l’ensemble des personnes publiques au principe de mise en concurrence, sans prévoir a priori d’adaptation aux spécificités des différentes catégories de collectivités.

Aux termes de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP, il appartient à l’autorité gestionnaire « d’organiser librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ». Dans un souci de flexibilité, les rédacteurs de l’ordonnance ont pris soin de ne pas détailler les modalités concrètes de mise en oeuvre de ce nouveau formalisme. L’objectif est de ne pas corseter les gestionnaires dans des procédures indifférenciées et trop contraignantes. A charge pour eux de concevoir les mesures de publication et le processus sélectif adaptés en fonction des caractéristiques et de la localisation de l’opération, en s’inspirant des principes de la commande publique et du formalisme existant (publications, règlement de consultation, cahier des charges…).

Hypothèses de procédure simplifiée

Les obligations du gestionnaire se limitent à une publicité préalable dès lors qu’il n’y a pas d’enjeu en terme de restriction de la libre concurrence. C’est le cas lorsque « l’autorisation est de courte durée »  (manifestations culturelles, manifestation d’intérêt local, privatisation temporaire de locaux…) ou lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité ». Cette publicité doit alors permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et l’information des candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution (CGPPP, art. L. 2122-1-1, in fine, créé).
Autre hypothèse de procédure allégée : lorsque la délivrance du titre intervient à la suite d’une manifestation d’intérêt spontanée. Dans ce cas, l’autorité compétente doit s’assurer au préalable, par une publicité suffisante, de l’absence de toute autre manifestation d’intérêt concurrente (CGPPP, art. L. 2122-1-4, créé).

Des titres d’occupation exonérés

Sont exclues du champ d’application de ces procédures « les délivrances et prolongations de titres intervenant dans certaines circonstances particulières, soit que ces obligations soient inutiles, soit qu’elles soient impropres » (Rapp. Prés. Rép., NOR : ECFM1704343P : JO, 20 avr.). Ces hypothèses sont répertoriées par les nouveaux articles L. 2122-1-2 et L. 2122-1-3 du CGPPP.
Ainsi, aux termes de l’article L. 2122-1-2 du CGPPP, la procédure n’a pas vocation à s’appliquer  :
– lorsque l’attribution du titre s’inscrit dans une opération donnant lieu à des procédures équivalentes ;
– lorsque le titre d’occupation s’adosse à un contrat de la commande publique ;
– en cas d’urgence, sous réserve que le titre n’excède pas un an ;
– pour la prolongation d’autorisations existantes, sous conditions de durée.
L’article L. 2122-1-3 du CGPPP autorise par ailleurs le gestionnaire à délivrer les titres d’occupation à l’amiable s’il s’avère que les formalités préalables sont « impossibles ou non justifiées ». A cet égard, il donne une liste non exhaustive des situations ouvrant la voie du gré à gré :
– lorsqu’une seule personne est en droit d’occuper la dépendance en cause ;
– lorsque le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l’autorité compétente ou à une personne privée étroitement contrôlée par elle (hypothèse du « in house ») ;
– lorsqu’une première sélection s’est révélée infructueuse ou qu’une publicité est demeurée sans réponse ;
– lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d’occupation ou d’utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l’exercice de l’activité économique projetée ;
– lorsque des impératifs tenant à l’exercice de l’autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient.
S’il s’exonère de toute procédure sur le fondement de l’article L. 2122-1-3 du CGPPP, le gestionnaire devra alors rendre publiques les considérations de fait ou de droit ayant motivé son choix. L’ordonnance ne donne toutefois aucune précision sur les modalités matérielles de cette motivation. Sur le fond, il est probable que la mise en oeuvre de cette disposition pose des difficultés compte-tenu de sa rédaction imprécise et de la marge d’appréciation laissée au gestionnaire. Il appartiendra au juge de les trancher.

Une durée d’occupation encadrée, en lien avec l’investissement de l’occupant

Dans le sillon de la jurisprudence communautaire, l’article 4 de l’ordonnance encadre la durée de ces titres d’occupation qui permettent l’exploitation économique du domaine. Cette durée doit être fixée « de manière à ne pas restreindre ou limiter la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis, sans pouvoir excéder les limites prévues, le cas échéant, par la loi » (CGPPP, art. L. 2122-2, mod.).

Autres dispositions affectant les titres domaniaux
Outre l’adaptation des modalités de transfert de titres constitutifs de droits réels aux nouvelles obligations de transparence (CGPPP., art. L. 2122-7, mod., L. 2341-1, mod. et L. 1311-3, mod.), l’ordonnance prévoit deux mesures déconnectées de l’enjeu concurrentiel.

Élargissement des cas d’occupation gratuite

L’article L. 2125-1 du CGPPP énumère les cas dans lesquels l’occupation peut, à titre dérogatoire, ne pas faire l’objet de redevance. Une nouvelle hypothèse de gratuité, relative aux contrats complexes, y a été introduite par l’ordonnance du 19 avril en ces termes  : « lorsque l’occupation du domaine public est autorisée par un contrat de la commande publique ou qu’un titre d’occupation est nécessaire à l’exécution d’un tel contrat, les modalités de détermination du montant de la redevance sont fonction de l’économie générale du contrat. Lorsque ce contrat s’exécute au seul profit de la personne publique, l’autorisation peut être gratuite ». La référence à l’économie du contrat pour évaluer le montant de la redevance dans ces hypothèses permet de surmonter les difficultés qui peuvent se poser, en particulier dans les montages immobiliers dits « allers/retours ».

Occupation du domaine public « par anticipation »
A compter du 1er juillet 2017, le gestionnaire du domaine pourra consentir des titres d’occupation « par anticipation ». L’objectif est de tenir compte de la période intermédiaire entre  la décision d’affectation d’un bien à un service public et son incorporation effective dans le domaine public. L’autorisation pourra ainsi être accordée pour occuper ou utiliser une dépendance du domaine privé d’une personne publique par anticipation à l’incorporation de cette dépendance dans le domaine public. Cette technique est ouverte à condition que l’occupation ou l’utilisation projetée le justifie. Dans cette hypothèse, le titre devra fixer le délai d’incorporation (lequel ne pourra excéder 6 mois) et préciser le sort de l’autorisation en cas de non-incorporation au terme de ce délai (CGPPP, art. L. 2122-1, mod.).

Une réforme incomplète
L’ordonnance du 19 avril 2017 ne constitue qu’une étape dans l’effort de modernisation des règles de la gestion domaniale. D’une part, elle ne procède ni à la rationalisation, pourtant attendue, des dispositifs régissant l’occupation privative du domaine public ni à la clarification du régime des sous-occupations. D’autre part, son périmètre ne couvre qu’une partie du champ de l’habilitation donnée par la loi du 9 décembre 2016, dite Sapin 2. Celle-ci avait en effet confié au gouvernement le soin de modifier par ordonnance « les règles régissant les transferts de propriété des personnes publique en vue de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession et de faciliter et sécuriser leurs opérations immobilières » (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, art. 34, 2°). Si l’ordonnance du 19 avril 2017 comporte effectivement un chapitre consacré aux cessions de biens publics, elle n’aborde pas la question des procédures préalables à ce type d’opération qui fera donc l’objet d’une prochaine ordonnance.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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