Les dispositions inconstitutionnelles de la loi de transition énergétique

Le 13 août 2015 le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de transition énergétique, publiée le 18 août. Il en a finalement censuré cinq dispositions, dont trois articles complets.

Exit l’obligation de rénovation énergétique

Le Conseil constitutionnel a tout d’abord déclaré contraires à la Constitution l’entier article 6 de la loi. Cet article instaurait une obligation de rénovation énergétique des bâtiments à l’occasion d’une mutation.

Les Sages estiment que « les dispositions contestées ne se bornent pas à déterminer un objectif de l’action de l’État mais fixent une obligation de rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels, « à l’occasion d’une mutation », applicable à partir de 2030 ; qu’elles n’ont pas le caractère de dispositions relevant d’une loi de programmation ». D’autre part, « en s’attachant à réduire la consommation énergétique des bâtiments résidentiels, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général ; que, toutefois, en ne définissant ni la portée de l’obligation qu’il a posée, ni les conditions financières de sa mise en œuvre, ni celles de son application dans le temps, il n’a pas suffisamment défini les conditions et les modalités de cette atteinte au droit de disposer de son bien ».

Ainsi l’article 6 est contraire aux articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, relatifs au droit de propriété.

Sur la participation de la grande distribution à la réduction de la pollution atmosphérique

L’article 44 de la loi imposait aux entreprises ou groupements d’entreprises appartenant au secteur de la grande distribution d’établir au plus tard le 31 décembre 2016 un programme des actions qu’ils décident de mettre en œuvre, ou auxquelles ils décident de contribuer, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant du transport des marchandises qu’ils commercialisent sur le territoire national, entre les sites de production et les points de destination finale.

Le Conseil considère que le législateur a outrepassé sa compétence en ne déterminant pas les entreprises du secteur de la grande distribution soumises à cette obligation ; mais en renvoyant le soin de le faire à un décret.

Ce renvoi n’a pas été encadré, or « en confiant au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer le champ d’application de la loi, (le législateur) a reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ».

L’article 44 est déclaré contraire à la Constitution, notamment à son article 34, pour ces motifs.

Sur la fermeture du capital des éco-organismes constitués sous forme de société

L’article 83 de la loi prévoyait que dans le cas d’un éco-organisme constitué sous forme de société, la majorité du capital social devrait appartenir aux producteurs, importateurs et distributeurs soumis à l’obligation de prévention et gestion des déchets, représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français. Le but était d’éviter que le capital soit majoritairement aux mains des entreprises de traitement des déchets qui, contrairement aux entreprises soumises au principe de « responsabilité élargie du producteur », n’ont pas intérêt à voir diminuer le volume des déchets à la source.

Le Conseil constitutionnel a vu là un intérêt général. Cependant il rappelle que le législateur ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.

Il décide ainsi que si les dispositions contestées pouvaient imposer une telle répartition du capital, « elles ne pouvaient imposer une telle obligation nouvelle aux sociétés et à leurs associés et actionnaires sans que soient prévues des garanties de nature à assurer la protection du droit de propriété et de la garantie des droits, qui ne sauraient relever du décret en Conseil d’État prévu par le paragraphe X de l’article L541-10 du code de l’environnement dans lequel les dispositions contestées s’insèrent ». Il en résulte donc « une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits ». L’article 83 est par conséquent déclaré contraire à la Constitution.

Sur la nomination du président du centre scientifique et technique du bâtiment

L’article 9 de la loi complète l’article L142-1 du code de la construction et de l’habitation relatif au centre scientifique et technique du bâtiment. Un nouveau deuxième alinéa prévoyait que le président du conseil d’administration de ce centre serait nommé en conseil des ministres, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, « après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement ».

Selon le Conseil constitutionnel, « le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l’absence de disposition constitutionnelle le permettant, le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonné à l’audition par les assemblées parlementaires des personnes dont la nomination est envisagée. » La Constitution seule peut permettre une telle audition par les parlementaires. C’est notamment le cas, par exemple, pour les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature (articles 13 et 65 de la Constitution).

Ainsi les dispositions de l’article 9 ont méconnu les exigences qui résultent de la séparation des pouvoirs. Les Sages déclarent les mots : « après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement » contraires à la Constitution.

Sur les dispositions relatives au gaspillage alimentaire

Les dispositions de l’article 103 de la loi étaient relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Elles avaient été ajoutées suite à la pétition portée par M. Derambarsh, conseil municipal de Courbevoie. Cependant ces dispositions sont considérées par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers législatifs : elles n’étaient pas « en relation directe avec une disposition restant en discussion ; elles n’étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ».

Ainsi les paragraphes II à VII de l’article 103 ont été adoptés selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Ils sont donc censurés.

Réf :  C. const., déc. n° 2015-718 DC, 13 août 2015 ; Loi n° 2015-992, 17 août 2015.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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