Caractère non sérieusement contestable des créances de l’entreprise dans l’exécution du marché de travaux

L’article R. 541-1 du code de justice administrative permet au juge des référés d’attribuer une provision à un créancier dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable :

 

Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie.

 

Quels sont, en matière de marches de travaux, les cas dans lesquelles l’obligation peut être considérée comme non sérieusement contestable ?

 

A.- En présence d’un rapport d’expertise

 

La créance est généralement suffisamment établie par les termes d’un rapport d’expertise.

 

Conseil d’État, N° 257599, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 2 avril 2004 SOCIETE SOGEA

 

Considérant, en quatrième et dernier lieu, que, pour demander la condamnation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris au paiement d’une provision, la SOCIETE SOGEA faisait valoir qu’elle a subi un préjudice important résultant de ce que de nombreux travaux modificatifs et supplémentaires lui ont été imposés, ce qui l’a conduite à adresser au maître d’oeuvre et à la personne responsable du marché un mémoire en réclamation le 6 août 1997 ; que l’ordonnance attaquée relève que la demande de provision porte, d’une part, sur les différents points mentionnés dans cette réclamation et qui ont fait l’objet d’un rapport d’expertise remis le 2 janvier 2002, d’autre part, sur le remboursement de la retenue de garantie opérée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et, enfin, sur des situations de travaux supplémentaires émises en juin 2000 et en mars 2001 par l’entreprise et non réglées par le maître d’ouvrage ; qu’en l’état de ces constatations, qui ne sont pas entachées de dénaturation, le juge d’appel a pu, sans commettre d’erreur de qualification, estimer que, compte tenu notamment des conclusions du rapport d’expertise précité, l’obligation dont se prévalait la société SOGEA ne pouvait être regardée, tant dans son principe que dans son montant, comme non sérieusement contestable au sens des dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative.

 

Et ce, alors même que les conclusions de l’expert n’ont pas encore un caractère définitif dès lors qu’elles revêtent un caractère de précision suffisante.

 

Cour Administrative d’Appel de Versailles, N° 05VE01995, Inédit au Recueil Lebon, 30 mai 2006, CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE VERSAILLES

 

Considérant toutefois que les dispositions précitées de l’article R. 541-1 du code de justice administrative subordonnent l’octroi d’une provision à la seule constatation par le juge des référés de l’existence d’une obligation dépourvue de caractère sérieusement contestable ; que pour apprécier si cette condition est remplie, le juge peut s’appuyer sur l’ensemble des éléments figurant au dossier qui lui est soumis, et notamment ceux provenant d’une expertise en cours, même si la conclusion des opérations de l’expertise n’a pas encore conféré à ces éléments un caractère définitif, pourvu qu’ils présentent un caractère de précision suffisante et qu’ils aient été soumis à la contradiction des parties ; qu’en prenant de tels éléments en compte, le juge des référés ne saurait, eu égard aux limites de son office et à la nature même des décisions qu’il rend, lesquelles sont dépourvues de l’autorité de chose jugée et n’ont qu’un caractère provisoire, être regardé ni comme s’immisçant irrégulièrement dans le déroulement de l’expertise, ni comme portant atteinte à l’indépendance et à l’impartialité de l’expert, à qui il incombe de poursuivre normalement sa mission si elle n’est pas achevée à la date à laquelle le juge des référés statue sur la demande de provision ; qu’une contestation de la régularité des opérations de l’expertise ne relève pas de l’office du juge des référés ; qu’une éventuelle méconnaissance des stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut en tout état de cause être utilement invoquée dans le cadre d’une instance de référé provision.

 

Encore faut-il que les conclusions du rapport permettent d’établir clairement un droit à indemnité juridiquement fondé au profit de l’entreprise.

 

Cour Administrative d’Appel de Paris, N° 04PA01562, Inédit au Recueil Lebon, 2 juin 2005, SPIE SCGPM

 

Considérant, en deuxième lieu, que pour demander le versement d’une provision de 9 583 540,40 F (1 461 001,30 euros), la société SPIE SCGPM se fonde sur les conclusions du rapport de l’expert désigné par le Tribunal administratif de Paris qui estime que les insuffisances du dossier de consultation des entreprises et les manquements des maîtres d’oeuvre ont entraîné pour la société SPIE SCGPM, chargée de la réalisation des travaux de réhabilitation et d’extension de la caserne des sapeurs-pompiers de Ménilmontant, des études et travaux supplémentaires, des surcoûts en matière d’études et de moyens et des pertes d’industrie ; que, toutefois, le préfet de police fait valoir que les difficultés rencontrées dans l’exécution de ce marché sont entièrement imputables aux fautes de la société SPIE SCGPM elle-même ; qu’aux termes des stipulations du marché, il appartenait à cette société de vérifier et de compléter les informations qui lui ont été fournies dans le cadre de l’appel d’offres ; qu’en particulier, en vertu de l’article 12 du cahier des clauses techniques particulières, faute d’avoir signalé en temps utile les erreurs, omissions et incohérences à l’origine des problèmes d’exécution, elle ne peut plus s’en prévaloir pour demander une indemnité ; que l’expert lui-même souligne, en ce qui concerne l’un des chefs de la demande, que le problème du bien-fondé de la réclamation de la société SPIE SCGPM est sans doute plus juridique que technique ; que les préjudices allégués ne sont corroborés par aucune pièce justificative et n’ont pas été retenus par le sapiteur économiste de la construction chargé de la vérification des demandes de la société SPIE SCGPM ; que les sujétions rencontrées ne résultent pas de circonstances imprévisibles et extérieures aux parties mais de la carence de l’entreprise elle-même et n’ont pas bouleversé l’économie du contrat ; qu’enfin, il ne ressort pas de l’instruction que les travaux supplémentaires réalisés présentaient un caractère indispensable ; qu’en l’état actuel de l’instruction la contestation du bien-fondé de la demande susmentionnée est de nature à rendre sérieusement contestable l’obligation de payer les sommes arrêtées par l’expert au titre des postes soumis à son examen

 

Cour Administrative d’Appel de Paris, N° 04PA02194, Inédit au Recueil Lebon, 31 décembre 2004, SNCF

 

Considérant, en outre, que si le groupement fonde sa demande de provision sur les conclusions de l’expert désigné par le tribunal administratif de Paris qui estime que les insuffisances des études préalables et les erreurs de la SNCF, maître d’oeuvre de l’opération, ont engendré des travaux supplémentaires et des sujétions particulières qu’il chiffre à 12 458 797 F (1 899 331,40 euros), il ressort également de l’instruction que cette analyse est vivement contestée par la SNCF qui soutient qu’elle n’a commis aucune faute et que le surcoût allégué est sans relation avec les erreurs de calcul invoquées ; que, selon elle, les modifications des ouvrages ont été normalement rémunérées par l’application des prix unitaires et les sujétions supplémentaires imposées au groupement compensées par une indemnité extra-contractuelle de 2 751 094 F (419 401,58 euros) ainsi que par une remise des pénalités de 3 138 100 F (478 400,26 euros) ; que, si la mise au point des fondations, au stade des études d’exécution, a engendré un surcoût, elle a aussi entraîné une diminution de la masse des travaux, à l’intérieur de la marge de tolérance prévue par le marché ; que, par ailleurs, la SNCF souligne que, même en reprenant le montant des travaux supplémentaires et sujétions chiffrés par l’expert, avec les révisions de prix, à la somme de 12 595 844 F (1 920 224,04 euros), il y a lieu, en tout état de cause, de retirer de ce montant la somme de 3 801 372 F (579 515,43 euros) déjà versée et que les frais financiers de 1 722 482 F (262 590,69 euros) ne peuvent faire l’objet d’une provision ; qu’enfin, si pour régler les litiges, la SNCF a, par un courrier du 3 février 2003, envisagé de proposer au maître d’ouvrage de verser au groupement une indemnité de 10 516 953 F (1 603 299,10 euros), cette proposition n’a pas abouti et n’a pu créer de droit au profit du groupement cocontractant ; que, dans ces conditions et en l’état actuel de l’instruction, la créance dont se prévaut ledit groupement au titre de l’exécution des travaux de la phase 3 du marché passé avec la SEMAPA ne peut être regardée comme n’étant pas sérieusement contestable, tant dans son principe que dans son montant.

 

 

 

B.- A défaut de rapport d’expertise

 

 

 

1. Exécution financière du marché

 

L’entreprise peut solliciter en référé le versement des acomptes auxquels elle a droit, avant même la notification du décompte général.

 

Conseil d’État, N° 253748, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 3 décembre 2003, SOCIETE BERNARD TRAVAUX POLYNESIE

 

Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie ;

 

Considérant que si l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d’une mesure prononcée en référé, à ce qu’il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser au titulaire d’un tel marché une provision au titre d’une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n’aurait pas encore été établi ; que, notamment, lorsque le maître de l’ouvrage ne procède pas au versement d’acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d’une provision représentative de tout ou partie de leur montant ; que, par suite, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en se fondant, pour annuler la décision du premier juge et rejeter la demande de la SOCIETE BERNARD TRAVAUX POLYNESIE, sur la seule circonstance que le marché en cause n’avait pas encore donné lieu à l’établissement du décompte général et définitif ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler l’ordonnance attaquée.

 

Notamment lorsque le maître de l’ouvrage a procédé à des retenues liées à l’application des pénalités de retard.

 

Conseil d’État, N° 257392, Publié au Recueil Lebon, 2 avril 2004, SOCIETE IMHOFF

 

Considérant que si l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d’une mesure prononcée en référé, à ce qu’il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser au titulaire d’un tel marché une provision au titre d’une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n’aurait pas encore été établi ; que, notamment, lorsque le maître de l’ouvrage ne procède pas au versement d’acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d’une provision représentative de tout ou partie de leur montant (…) ;

 

Considérant que l’Université Louis Pasteur de Strasbourg a confié à la SOCIETE IMHOFF les lots 16, chauffage-climatisation, et 17, plomberie-fluides labo, du marché de construction de laboratoires de génétique et de physiologie de la souris en extension à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire ; que la SOCIETE IMHOFF a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d’une demande de provision, d’un montant de 207 569,96 euros, correspondant à des acomptes mensuels qui ne lui ont pas été versés, l’Université ayant fait valoir que des pénalités de retard seraient dues par l’entreprise.

 

L’entreprise peut également solliciter en référé le versement du solde dû sur le décompte général et définitif.

 

Cour Administrative d’Appel de Paris, N° 06PA03563, Inédit au Recueil Lebon, 27 mars 2007, SOCIETE HEAVEN CLIMBER MEDITERRANEE

 

Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » ;

 

Considérant que pour demander la condamnation de la SNCF au paiement d’une provision, la société requérante fait valoir qu’elle a accepté sans réserve le décompte général et définitif qui lui a été notifié le 1er décembre 2005 par la SNCF pour un montant de 49 112,11 euros TTC et que la facture n° 05-12-00020 émise par elle le 30 décembre 2005 et correspondant à ce montant lui est due ;

 

Considérant que pour s’opposer au paiement de ladite facture, la SNCF soutient que l’entreprise CAN, sous-traitante agréée, n’aurait pas été payée par la SOCIETE HEAVEN CLIMBER MEDITERRANEE de sa propre facture de travaux à hauteur d’une somme supérieure à celle figurant au décompte général et définitif susmentionné et qu’elle est tenue par les stipulations de l’article 13.53 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF de payer directement au sous-traitant agrée les sommes réclamées par lui ;

 

Considérant, d’une part, qu’il résulte des documents produits en appel par la société requérante et notamment de l’extrait de sa comptabilité qu’elle a réglé à la société CAN une somme d’un montant supérieur au prix convenu dans le contrat de sous-traitance ;

 

Considérant, d’autre part, que la société requérante soutient sans être contredite que les travaux supplémentaires d’ancrage de barrières de 25 mm de diamètre, de doublages des écrans et de compléments de grillage mentionnés dans le courrier adressé le 8 mars 2006 par la société CAN à la SNCF qui n’avaient fait l’objet d’aucun avenant ni d’aucun ordre de service et qui n’étaient pas prévus au contrat de sous-traitance ne pouvaient faire l’objet d’une demande de paiement direct à l’exception de la plus value pour pieux explosés d’un montant de 8 277 euros HT soit 8 439,22 euros ;

 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’existence d’une obligation à la charge de la SNCF est non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 40 672,89 euros toutes les taxes comprises ; qu’il y a lieu dès lors d’annuler l’ordonnance attaquée et de condamner la SNCF à payer à la société requérante une provision dudit montant

 

 

 

2. Travaux supplémentaires et sujétions imprévues

 

La question de savoir si les conditions permettant l’indemnisation de la société sur le terrain de l’enrichissement sans cause ou de la faute, sont réunies se rapportent au fond du litige et ne relèvent pas de la compétence du juge des référés. Ainsi l’argument selon lequel les travaux supplémentaires allégués ont fait l’objet d’un ordre de service du maître de l’ouvrage et revêtent un caractère nécessaire et indispensable ne suffit pas à justifier du caractère non sérieusement contestable de la créance.

 

Cour Administrative d’Appel de Marseille, N° 02MA00617, Inédit au Recueil Lebon, 16 septembre 2003, SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO

 

Considérant qu’en ce qui concerne le surplus des sommes réclamées, correspondant selon elle à des sujétions imprévues et à des travaux supplémentaires, la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO demande au juge d’appel d’annuler l’ordonnance susvisée en soutenant que, contrairement à ce qu’a estimé le juge des référés, l’existence de l’obligation n’était pas sérieusement contestable, aux motifs que tant au regard du droit au paiement direct, qu’au regard de l’enrichissement sans cause, les travaux supplémentaires allégués ont fait l’objet d’un ordre de service du maître de l’ouvrage et revêtent un caractère nécessaire et indispensable et qu’au surplus la société SEMAZUR a commis des fautes sur le fondement desquelles elle engage sa responsabilité ;

 

Considérant que de tels moyens se rapportent à la question de savoir si les conditions permettant soit le paiement direct soit l’indemnisation de la société sur le terrain de l’enrichissement sans cause ou de la faute, sont réunies ; qu’ils invitent ainsi le juge des référés à trancher une question de droit se rapportant au fond du litige, fût-elle de nature à lui permettre d’apprécier le caractère non sérieusement contestable de l’obligation du débiteur de la provision, et non à se prononcer provisoirement, sous réserve de l’appréciation ultérieure du juge saisi de la demande au principal, sur le point de savoir si cette obligation peut être regardée comme non sérieusement contestable au sens de l’article R.541-1 du code de justice administrative ; qu’en l’état actuel de l’instruction, les éléments d’appréciation et arguments susmentionnés produits par l’appelant ne sont pas de nature à permettre au juge d’appel, en l’absence d’expertise, d’infirmer l’appréciation portée par le juge des référés qui a estimé de manière particulièrement circonstanciée que l’obligation qui pesait sur le maître d’ouvrage ne pouvait être regardée comme n’étant pas sérieusement contestable ; que, dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande sur ce point.

 

Ainsi en est-il lorsque la faute est partagée ou du moins non suffisamment déterminée.

 

Conseil d’État, N° 230729, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 2 juin 2004 COMMUNE DE CLUNY

 

Considérant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que l’absence de décompte général et définitif ne fait pas obstacle à ce que soit demandée au juge des référés une allocation provisionnelle par l’une des parties à un marché de travaux publics qui pourrait se prévaloir d’une obligation non sérieusement contestable ; que si la cause d’une telle obligation peut naître de la faute commise par l’une des parties dans l’exécution du marché, le juge des référés ne peut toutefois faire droit à une demande de provision présentée dans le but d’obtenir réparation du préjudice né de cette faute que si la responsabilité de cette partie n’apparaît elle-même pas sérieusement contestable ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que l’effondrement du talus a pu trouver sa cause non seulement dans les fautes commises par les constructeurs, mais aussi dans les pluies torrentielles qui se sont abattues sur le chantier à quelques jours de son terme ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE CLUNY ne peut se prévaloir d’une obligation non sérieusement contestable à l’encontre de ses cocontractants

 

La possibilité, pour le maître de l’ouvrage, d’appliquer des pénalités est, en outre, de nature à rendre contestable la créance de l’entre prise.

 

Cour Administrative d’Appel de Marseille, N° 02MA00617, Inédit au Recueil Lebon, 16 septembre 2003, SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO

 

Considérant que si les parties défenderesses ne contestent pas devoir à la société requérante une somme de 548.835,79 F TTC au titre du solde du montant des travaux expressément agréés par le maître d’ouvrage, d’une part elles font valoir par ailleurs que la société requérante leur est redevable de pénalités de retard pour un montant plus élevé et d’autre part, il n’est pas certain qu’une partie du protocole signé le 11 janvier 2001 ne recouvre pas une partie des travaux pris en compte dans l’acte spécial n° 2 ; que par suite l’obligation de la société requérante de ce chef ne peut être regardé comme n’étant pas sérieusement contestable

 

Conseil d’État, N° 257392, Publié au Recueil Lebon, 2 avril 2004, SOCIETE IMHOFF

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la date à laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a statué, antérieure à la notification du décompte général à l’entreprise, cette dernière avait établi et envoyé son projet de décompte final ; qu’il apparaissait, en cette période de fin de travaux, que des pénalités risquaient de lui être infligées en raison d’un retard dans l’exécution des travaux ; que, dans ces circonstances, la créance dont se prévalait la société requérante n’était pas non sérieusement contestable ; que, par suite, la SOCIETE IMHOFF n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

 

Tandis que l’avis du comité consultatif de règlement des litiges n’a pas d’incidence sur l’appréciation portée par le juge des référés

 

Cour Administrative d’Appel de Marseille, N° 05MA00410, Inédit au Recueil Lebon, 17 avril 2007, DEPARTEMENT DU GARD

 

Considérant, en second lieu et en ce qui concerne les autres chefs de préjudice invoqués, relatifs à une erreur dans le prix n° 2-2-6, à des retards dans les délais d’exécution du marché entraînant des surcoûts et des pénalités et à divers travaux supplémentaires non prévus dans les documents contractuels, qu’il résulte de l’instruction que les créances ainsi invoquées par la société Lacombe Bonnet ne peuvent être regardées, en l’état de l’instruction, comme non sérieusement contestables au sens de l’article R.541-1 du code de justice administrative, nonobstant la circonstance que le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marché publics (CCIRAL) ait émis un avis favorable à l’entrepreneur dans son avis du 18 décembre 2002.

 

Il est des cas, en revanche, où la faute peut cependant présenter un caractère incontestable, ainsi dans le cas de l’absence d’obtention des autorisations administratives imputable au maître de l’ouvrage.

 

Conseil d’État, N° 254400, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 2 juin 2004, SOCIETE SELECOM

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes a été chargé, par le conseil général des Alpes-Maritimes, d’une mission destinée à permettre une meilleure réception des chaînes publiques, la Cinquième et ARTE, et de la chaîne privée M6 sur l’ensemble du territoire du département ; que, s’il ressort du cahier des clauses administratives particulières relatif au marché confié dans ce but à la SOCIETE SELECOM, qu’il appartenait à celle-ci de mettre en oeuvre l’ensemble des équipements et prestations décrits au présent document , celui-ci ne comporte aucune stipulation relative à l’obtention des autorisations d’émettre auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; qu’une convention tripartite entre le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes, Télédiffusion de France et ARTE/ La Cinquième, qui renvoie à ces chaînes le soin d’obtenir les fréquences nécessaires, a été signée le 10 décembre 2000, soit à une date très proche de la date prévisionnelle d’achèvement des travaux prévue par les deux bons de commande émis par le syndicat les 4 avril 2000 et 28 juillet 2000, dont la SOCIETE SELECOM a accusé réception respectivement les 20 avril et 28 juillet 2000 et qui fixaient l’échéance de l’installation des sites concernés aux 20 mai 2000 pour les premiers et au 15 décembre 2000 pour les autres ; qu’il appartenait à l’entreprise, compte tenu des délais impartis, de procéder à la commande du matériel nécessaire à l’installation desdits sites ; qu’en l’absence d’autorisation de la part du Conseil supérieur de l’audiovisuel, la SOCIETE SELECOM n’a pu réaliser que l’installation de sept sites, pour lesquels elle a facturé ses prestations au syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes à hauteur de 104 455,63 euros HT, et n’a pas été en mesure d’engager les travaux d’installation exigés pour les autres sites mentionnés par le marché ; qu’il résulte de ce qui précède que la non exécution du marché en cause relève du seul fait du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes ; que dans ces conditions, le paiement à la SOCIETE SELECOM du matériel qu’elle a acquis mais n’a pu utiliser, d’une valeur non contestée de 512 221 euros, et dont il n’est pas soutenu qu’il puisse être revendu ou utilisé à un autre usage que l’exécution du contrat, constitue une obligation qui n’est pas sérieusement contestable à la charge du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes ; que, dès lors, il y a lieu d’annuler l’ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Nice en date du 21 juin 2002 et de condamner le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes à payer à la SOCIETE SELECOM une provision de 512 221 euros.

 

Le caractère incontestable de la créance peut également résulter de l’existence d’une sujétion imprévue.

 

Cour administrative d’appel de Paris, N° 00PA02783, Inédit au Recueil Lebon, 25 janvier 2001, SOCIETE ALSTOM ENTREPRISE PARIS

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction, en particulier de l’avis émis le 3 décembre 1999 par le comité consultatif interrégional de règlement amiable de Paris et du rapport annexé à cet avis, que la société Cegelec a exécuté des travaux supplémentaires de renforcement d’un acrotère d’une longueur de 227 mètres dont l’insuffisance du ferraillage a constitué en l’espèce une sujétion imprévue ; que les retards de chantier imputables à ces travaux supplémentaires ne pouvaient donner lieu à l’application de pénalités de retard ; que, par suite, en l’état de l’instruction, l’existence de l’obligation de l’Office départemental d’HLM de la Seine-Saint-Denis à l’égard de la société Cegelec n’est pas sérieusement contestable ; qu’il y a lieu en conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner la régularité de l’ordonnance attaquée, de condamner l’Office départemental d’HLM de la Seine-Saint-Denis à payer à la SOCIETE ALSTOM ENTREPRISE PARIS une provision de 500.000 F ; qu’en revanche, la nature de la demande de provision fait obstacle à ce qu’elle ouvre droit à des intérêts.

 

C’est, ainsi et finalement, le critère de l’évidence, qui semble déterminant du caractère incontestable de la créance de l’entrepreneur.

À propos de l’auteur

COUSSY AVOCATS ENVIRONNEMENT ENERGIE URBANISME

Reconnu en droit de l'énergie et de l'électricité (CRE)
Reconnu en droit de l'environnement
Reconnu en droit de l'urbanisme
Reconnu en droit de la sécurité (CNAPS, CNAC, CIAC)

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